ORIENTATION : MÉTRO, BOULOT… FOLIOS

Retour sur une formation donnée dans un établissement scolaire de Nice.

Avec la mise en concurrence des élèves engendrée par la plateforme Parcoursup, la question de l’orientation devient cruciale, en particulier au lycée.
Les collégien.ne.s et les lycéen.nes ont droit, respectivement, à 36 heures et 54 heures annuelles dédiées à l’orientation.
Deux « semaines de l’orientation » sont également prévues pour les lycéen.ne.s – leur mise en œuvre est très inégale selon les établissements.

La plupart des CIO ont fermé ; le nombre de PSY-EN est notoirement très insuffisant.
C’est donc aux professeurs principaux d’assurer l’essentiel de l’accompagnement à l’orientation.
Une tâche complexe: nous nous sentons, pour beaucoup, incompétent.e.s dans ce domaine, et souvent, en lycée, nous n’avons pas d’heures de classe dédoublées.

Sans surprise, les familles les plus aisées se tournent donc vers des coachs en orientation privés.

Qu’à cela ne tienne ! La plateforme FOLIOS va résoudre ces difficultés !

FOLIOS? De quoi s’agit-il?

Accessible via l’ENT de son établissement, ou via https://folios.onisep.fr/, cette plateforme est une superbe usine à gaz.

Les élèves sont invités à y compléter leur CV, et à y stocker dans leur espace les ressources qu’ils ont consultées.

Les enseignant.e.s, de leur côté, sont censés envoyer aux élèves des ressources sélectionnées dans le catalogue de séquences proposées par FOLIOS, ou élaborées par eux-mêmes.
Il leur est également possible d’imprimer les séquences proposées sur la plateforme ou conçus par eux-mêmes sur FOLIOS pour que les élèves travaillent en classe.

L’outil pose de nombreux problèmes

Une messagerie permet aux enseignant.e.s d’envoyer des documents ou des messages à leurs élèves – les personnels de direction peuvent implanter les classes de chaque enseignant.e dans FOLIOS.
Cependant, aucune notification n’est prévue, élèves et enseignant.e.s doivent impérativement se connecter à FOLIOS pour voir ces messages.
Et hop, une charge mentale supplémentaire!
À quand l’implant cérébral FOLIOS – auquel on adjoindra l’implant PRONOTE ?

FOLIOS constitue un bel outil de surveillance généralisée.
Les enseignant.e.s peuvent surveiller ce que leurs élèves font dans leur espace, quels documents ceux-ci stockent.
Les PSY-EN ont également accès à l’espace de chaque élève, mais aussi par les CPE et les documentalistes – pas sûr que cette liste soit exhaustive.
Par ailleurs, en observant les espaces des élèves, de nombreux acteurs et actrices de l’Education nationale peuvent se faire une idée du travail des profs principaux… c’est préoccupant.

Une charge de travail accrue

Plus de travail pour les enseignant.e.s

FOLIOS est loin d’être ergonomique, sa prise en main n’est pas évidente.
Même si des capsules vidéo existent sur YouTube, l’outil requiert beaucoup de bonne volonté de la part des adultes comme des ados.

Du côté des enseignant.e.s, il s’agira de construire des séquences, mais aussi de vérifier que les élèves accomplissent les tâches qu’on leur donne à faire.
Il est très probable qu’il faudra aussi les relancer régulièrement, pour ce qui est des activités à faire en autonomie.

Ajoutons que FOLIOS n’est actuellement pas adapté aux smartphones, ce qui est problématique pour les élèves.

La même page, affichée sur un smartphone.

Et plus de travail pour les élèves

Côté élèves, l’outil engendre une charge mentale.
FOLIOS, ce sont aussi des tâches supplémentaires pouvant surgir n’importe quand, transformant le réel en partie de Tetris permanente.


Une situation dont les adultes eux-mêmes souffrent – cela a été le cas pour le collègues de lettres qui corrigeaient les écrits de français en juin 2021, et qui, croyant avoir fini leur paquet, ont découvert qu’ « on » leur en avait ajouté.

Des élèves très inégaux face aux outils numériques

Beaucoup de collégien.ne.s n’ont ni ordinateur, ni smartphone et/ou sont en difficulté face aux outils numériques, et celui-ci, on l’a dit, n’est guère intuitif.
Les lycéen.ne.s sont doté.e.s de tablettes, mais…
Le risque est que seule une partie des élèves parviennent à employer FOLIOS. On peut craindre que les élèves en situation de précarité, qui ont particulièrement besoin d’accompagnement à l’orientation, soient justement celles et ceux qui ne parviendront pas à utiliser cet outil.

L’avenir de Folios

FOLIOS est appelé à évoluer et à être intégré à une plateforme – une super usine à gaz, chouette ! – qui devrait réunir trois FOLIOS (un pour le Secondaire, un pour le Supérieur, un pour le Ministère du travail). Waouh.

Il est aussi question que FOLIOS soit connecté à AFFELNET et à PARCOURSUP.
Impressionnant… et peu rassurant.

Bilan

On regrette la fermeture de la plupart des CIO et le trop faible nombre de PSY-EN, qui disposent d’une expertise irremplaçable.

FOLIOS est tentaculaire, complexe, pas inintéressant – les séquences proposées sont variées et riches -, mais cet outil sera de toute évidence chronophage.

On ne peut qu’espérer qu’il gagnera en ergonomie, puisqu’à l’heure actuelle, il pas du tout convaincant sur ce plan.

Espérons également que l’indemnité lié à la fonction de professeur.e principal.e sera revalorisée, car en l’état, vu l’alourdissement des tâches, il est à craindre que les candidat.e.s à cette fonction se raréfient encore à l’avenir.

Enfin, disposer de ressources dédiées à l’orientation constitue une amélioration… mais il est probable, étant donné la lourdeur des programmes et le fait que les classes sont surchargées, que les élèves devront travailler à leur orientation en autonomie, seul.e.s chez eux, ce qui pose de multiples problèmes.
L’accompagnement à l’orientation se trouve ainsi délocalisé à la maison, c’est mieux que rien – l’Éducation nationale gère la pénurie de moyens qu’elle a orchestrée -, mais ce n’est pas terrible.