Vers un bac passeport ? 

Les derniers aménagements (discutés en CSE le 8 juillet), sont une nouvelle phase d’un chantier particulièrement long et accidenté. Retour sur trois ans de méandres d’une réforme bien mal menée et des personnels bien malmenés...

Depuis 2017 et l’élection présidentielle, des modifications profondes ont été amorcées concernant un monument bien français : le baccalauréat.
Premier diplôme universitaire, constitué à plus de 90 % d’épreuves nationales externes de fin d’année jusqu’en 2019, son architecture a été largement bousculée par la mise en place du “Bac Blanquer” essentiellement par l’introduction d’une part de contrôle continu dans sa délivrance.

 

Les limites du bac barrière examens_bac

Jusqu’en 2019 la particularité du bac français n’est pas qu’il soit constitué d’épreuves nationales externes de fin d’année – ce modèle se retrouve aujourd’hui dans une majorité de pays de l’OCDE – mais qu’il soit constitué à plus de 90 % d’épreuves de ce type.

Le Sgen-CFDT a porté dans le débat de 2017 (mission Mathiot) des propositions pour un bac modulaire construit non pas a priori pour un élève, mais sur mesure pour chacun des élèves, par capitalisation tout au long des deux années du cycle terminal de modules semestriels disciplinaires ou pluridisciplinaires.
En effet pour le Sgen-CFD, le bac français cumulait un ensemble d’inconvénients :

  •  les modalités des épreuves ont une importante fonction de pilotage de la scolarité et du travail en lycée, pour les professeurs comme pour les élèves.
    Malheureusement, ce bac  trop « scolaro-centré », organisé comme une validation d’études secondaires plus ou moins valorisées selon la série, est finalement redondant avec le livret scolaire.

    En revanche, il ne dit pas grand-chose sur les capacités à poursuivre des études, ni sur l’adéquation entre les études secondaires suivies et les études supérieures envisagées ;

  • le bac reste structuré comme un examen barrière filtrant les sorties du secondaire qui ne joue aucun rôle dans l’orientation des lycéens puisqu’il arrive plusieurs semaines après les résultats d’affectation, sur APB puis sur Parcoursup ;
  • enfin l’organisation nationale d’épreuves pour plusieurs centaines de milliers d’élèves dans le courant du mois de juin de chaque année met sous tension l’ensemble du système éducatif dès l’automne précédent (les difficultés rencontrées cette année pour seulement trois épreuves en sont le rappel).

L’impasse du bac “400 m haies”

Les concertations du début de l’année 2018 aboutissent à des arbitrages par le ministre ayant pour objectif de cadrer la part de contrôle continu au moins pour une large part (30%).
Cela se traduit alors par des procédures complexes et incohérentes en oubliant les objectifs initiaux (les E3C).
Cela amène le Sgen-CFDT à se prononcer contre les textes présentés en mars 2018 au CSE.

Face aux risques d’accident industriel et pédagogique d’une réforme mal conçue le Sgen-CFDT a proposé ensuite l’étalement de sa mise en œuvre sur trois ans, sans être entendu.

De fait, les sessions d’E3C s’avèrent très compliquées à mettre en place dans la précipitation et sans accompagnement au changement des personnels.
Ces vrais-faux examens qui jalonnent les deux années de première et terminale sont autant de haies à franchir pour les élèves comme pour les personnels.

Dès la rentrée 2019 le Sgen-CFDT propose leur abandon et le passage à 40 % de réel contrôle continu laissé à la main des équipes. C’est cette revendication qui a obtenu satisfaction la semaine dernière, avec la suppression de leur nouvelle mouture (les EC).

Cette décision tardive est bienvenue tant elle simplifie la vie des lycées.

Vers un bac passeport ?

Pour le Sgen-CFDT on reste loin d’un bac modulaire, notamment à cause des temporalités imposées pour tous. Néanmoins l’arbitrage clair entre 2 blocs évalués par des modalités distinctes clarifie la compréhension de l’architecture du nouveau baccalauréat GT:

  • le tronc commun et la spécialité abandonnée en Première, évalués uniquement en contrôle continu pour 40 % du total,
  • les spécialités, le français et la philosophie évalués uniquement en épreuves nationales, écrites ou orales (oral de l’EAF et Grand Oral) pour 60 % du total.

On peut noter qu’il reste encore une part de flou pour les options qui compteront pour 2 % chacune en plus par an.

BacMême si ce n’était pas son projet initial, le Sgen-CFDT n’est pas opposé par principe à la prise ne compte d’une part de contrôle continu dans le bac, car cela apporte une autre dimension à sa valeur certificative.
Le contrôle continu permet en effet une palette plus large d’exercices mobilisant des compétences plus variées que celles habituellement évaluées par des épreuves externes. Il prend aussi mieux en compte les parcours réels des élèves, et pourrait être une étape pour un  bac passeport vers l’enseignement supérieur.

Un bac amélioré à 3 conditions :

C’est bien un scénario de sortie de l’ornière qui se dessine, à trois conditions :

  • réviser l’ensemble des programmes pour identifier clairement les compétences et connaissances attendues dans chaque discipline du tronc commun, dans chaque spécialité et dans chaque option : une telle évolution permettrait à la fois de faciliter le travail des enseignants du secondaire et de donner de la lisibilité aux enseignants du supérieur
  • organiser le contrôle continu : l’enjeu est de conserver l’autonomie pédagogique des enseignants, tout en les sécurisant dans un cadre collectif.
    Ce cadre de sécurisation devra être construit par les équipes progressivement, discuté en conseil pédagogique, explicité par le dialogue avec les élèves et leurs familles, puis présenté en CA.
    Un accompagnement réel et continué par des formations, des réunions d’équipes sont indispensables. Les IA-IPR y ont toute leur place, à la fois comme référent disciplinaire et comme référent d’établissement.
  • reconnaître le travail des enseignants : l’instauration de 40 % de contrôle continu est une confiance accordée à leur professionnalisme, mais elle implique des temps de concertation et un travail d’ingénierie qui doit être reconnu en temps et sous forme indemnitaire à la place de la rémunération à la copie.