Nécessaire mise au point du Sgen-CFDT Côte d'Azur à la suite des derniers propos du pape au sujet de la fameuse "théorie du genre" ! Éduquer à la sexualité, promouvoir l'égalité Femmes - Hommes et lutter contre les stéréotypes fait bien partie des missions de l'école.
Le Sgen, l’École et la laïcité
Le Sgen-CFDT porte, depuis sa création en 1937, le principe de la laïcité, alors que la déconfessionnalisation de la CFTC n’a eu lieu que bien plus tard, en 1964 avec la création de la CFDT.
Et l’École l’est aussi, laïque, depuis la loi Jules Ferry, bien antérieure à la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905, puisqu’elle date de la loi du 28 mars 1882, dite loi relative à l’obligation et à la laïcité de l’enseignement.
Une des missions de l’Ecole est d’informer et d’éduquer à la sexualité (article L312-16 du code de l’Education). Elle a « une responsabilité propre vis à vis de la santé des élèves et de la préparation à leur future vie d’adulte. Son action est complémentaire du rôle premier joué par les familles dans la construction individuelle et sociale des enfants et des adolescents, dans l’apprentissage du « vivre ensemble ». L’éducation à la sexualité y contribue de manière spécifique, en lien avec les enseignements. » (site http://eduscol.education.fr/).
Des carences dénoncées par un rapport du Haut Conseil à l’Égalité…
Le rapport du Haut Conseil à l’Egalité entre les Femmes et les Hommes, publié le 13 juin 2016, pointe les carences de notre institution à mettre en œuvre ce qu’elle préconise :
- il n’y a plus eu d’initiative dans ce domaine depuis 2013 et l’ABC de l’égalité enterré presque de suite après sa parution (merci au ministre de l’époque qui plie devant les réactionnaires) ;
- il n’y a pas ou peu de séance d’éducation à la sexualité dans un quart des établissements qui ont répondu à l’enquête;
- les personnels sont peu formés à l’éducation à la sexualité ;
- les séances sont trop concentrées sur les sciences et pas assez sur la dimension citoyenne et sur l’égalité filles-garçons quand elles sont intégrées dans les enseignements ;
- le manque de moyens financiers, de personnels et les difficulté de gestion des emplois du temps ne facilitent pas la mise en place des séquences …
Les enjeux de la lutte contre les stéréotypes
Les représentations des jeunes n’évoluent malheureusement pas et les stéréotypes de sexe perdurent, favorisant violences sexistes, harcèlements, violences au sein du couple,…
Les enjeux de l’éducation à la sexualité et de l’égalité filles-garçons sont nombreux : accès à l’IVG et à la contraception, prévention des grossesses à l’adolescence, inégalités et violences sexistes au sein d’un groupe ou au sein du couple, question du consentement, intolérance vis-à-vis de l’homosexualité…
C’est dans ce cadre somme toute attristant que l’on a droit aux sorties du pape, aux manœuvres des extrémistes ultra-conservateurs, soutenus par une partie de la classe politique de droite.
Y-a-t-il un pilote dans l’avion papal ?
Tout commence par une petite phrase dans un avion : « un papa français me racontait qu’il parlait à table avec ses enfants – catholique, sa femme catholique, ses enfants catholiques, catholiques mais catholiques à l’eau de rose, mais catholiques [six fois le mot catholique en seize mots, apparemment, il fallait insister – ndlr] – et il a demandé au jeune de 10 ans : ‘’et toi, que veux-tu faire quand tu seras devenu grand ?’’ ‘’Fille’’. Et le papa s’est rendu compte que dans les livres du collège, on enseignait la théorie du genre. Et cela contre les choses naturelles ».
La réaction de la Ministre de l’Education nationale ne se fait pas attendre : elle regrette les paroles « légères et infondées » du pape, n’imaginant pas « qu’il se laisserait embarquer par des intégristes et leur folie mensongère ».
Que n’a-t-elle pas dit ! Une véritable déferlante de droite, dans la lignée de ‘‘France, fille aînée de l’Eglise’’ s’abat sur elle. On a même eu droit à ‘’Touche pas à mon pape’’. Il est intéressant de noter qu’à part Mamie Christine, ce ne sont que des hommes de droite qui ont réagi.
Il est inquiétant de voir que certains hommes politiques font de plus en plus référence à la religion catholique et aux « racines chrétiennes » de la France. Souvenons-nous du « Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance » lancé dans un discours fleuve au Latran en décembre 2007 par l’ancien président de la République.
De l’impérieuse nécessité des cours de SVT
Des groupuscules mènent aussi leur petite ‘’guéguerre’’. Vigi-gender, association de parents, inonde depuis la rentrée les écoles publiques et privées d’une brochure d’une cinquantaine de pages toute en couleur intitulée le « Genre en images ». Ils y dénoncent la prétendue théorie du genre enseignée à l’école. Une véritable théorie du complot, ‘‘ils sont partout, à tous les niveaux de décision, pour enseigner la théorie du genre’’. A lire, pour essayer de comprendre les méandres tortueux de leurs esprits tordus. Rappelons que ce groupe est associé de très près à la Manif pour Tous !
Un autre groupe, moins confidentiel, s’est aussi lancé il y a quelques années dans cette lutte contre la théorie du genre (Théorie du genre et SVT, brochure se voulant explicative des manuels de 1er ES et L). Il revient à la charge, cette fois, dans sa lutte contre l’avortement, avec une brochure d’une soixantaine de pages, là aussi toute en couleurs, diffusé là aussi dans des lycées. Ce groupe est proche lui-aussi de la Manif pour tous (la présidente de la Manif pour tous a été responsable de communication de ce groupe). Ce qui est inquiétant, c’est que ce groupe, la Fondation Lejeune, est reconnu d’utilité publique depuis 1996 pour « Poursuivre l’œuvre du Pr. J. Lejeune: recherche médicale sur les maladies de l’intelligence et génétiques; accueil et soins des personnes, atteintes de la trisomie 21 et autres anomalies génétiques. ». Ce qui est étonnant – ou pas – c’est que sa lutte contre l’avortement ne figure pas dans ses statuts.
Pour attaquer la prétendue théorie du genre, ces pseudo-détracteurs n’hésitent pas à mélanger allègrement études de genre, égalité des sexes, orientations sexuelles et stéréotypes.
Les études de genres, qui veulent étudier les rapports sociaux entre femme et homme, ne sont pas enseignées à l’Ecole.
En revanche, oui, en cours de SVT, quand nos collègues abordent la ‘’reproduction humaine’’ avec mes élèves, ils parle d’éducation à la sexualité. Oui, ils insistent sur l’égalité filles-garçons et sur le fait que ‘non’ ça ne veut pas dire ‘oui’. Oui, ils rappellent que le viol conjugal existe. Oui, ils expliquent que la pornographie n’est pas la référence absolue en matière de sexualité. Oui, nos collègues de SVT abordent la contraception et l’IVG qui font partie intégrante du droit à disposer de son corps.
Dans un manuel de SVT de sixièmes, donc pointé du doigt par le pape et ses soutiens, il y a une double page sur la puberté. Parmi les graphiques et autres illustrations du passage de l’enfance à l’adolescence et l’adulte, deux photos : une fille faisant du foot et un garçon faisant de la danse. Quelle pernicieuse propagande contre les stéréotypes et pour l’égalité Filles-garçons.
Un combat au quotidien !
Il reste donc malheureusement énormément de chemin à parcourir pour arriver à cette égalité Filles-Garçons, Femmes-Hommes et à la disparition des discriminations sexuelles et nous ne pouvons pas laisser l’obscurantisme religieux faire son retour dans la société et dans l’enseignement en particulier.
Et ce n’est que par l’Education que nous arriverons à y parvenir. Et il y a du travail. Pour revenir à l’égalité Fille – Garçon, deux études récentes ne peuvent que nous inquiéter.
L’enquête Every Last Girl (“Aucune fille oubliée”) est parue en octobre dernier. Elle a été réalisée par l’ONG britannique Save The Children . Elle s’intéresse à la santé, l’éducation et les opportunités des filles dans 144 pays et prend en compte cinq indicateurs (mariage précoce, éducation scolaire, grossesse d’adolescentes, mortalité maternelle et proportion de femmes au Parlement). La France y arrive à la peu glorieuse 18ème position, derrière 15 pays d’Europe, la Nouvelle-Zélande et Israël. (http://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/classement-etre-une-fille-les-pays-ou-cest-plus-facile-et-les-autres).
En mars dernier, l’association Mémoire traumatique et Victimologie révèle les résultats d’une enquête menée avec Ipsos fin 2015 sur les représentations du viol et des violences sexuelles chez les Français. Ils sont effarants et inquiétants. La culture du viol est malheureusement bien ancrée dans les mentalités. « 19% des personnes interrogées considèrent que beaucoup de femmes qui disent « non » à une proposition de relation sexuelle veulent en fait dire « oui ». Ou encore, 21% estiment que les femmes peuvent prendre du plaisir à être forcées lors d’une relation sexuelle, conception à laquelle adhèrent près d’un tiers des jeunes de 18 à 24 ans….
Pour une partie des personnes interrogées, la responsabilité du violeur est atténuée si la victime a eu une attitude provocante en public (40%) ou si elle portait une tenue sexy (27%). 4 personnes sur 10 soutiennent également l’idée qu’on peut faire fuir le violeur si l’on se défend vraiment. » (http://www.huffingtonpost.fr/2016/02/29/francais-victime-viol-etude_n_9346702.html).
Restons fiers des valeurs du Sgen-CFDT, et de la CFDT en général, qui porte ce combat.
Camille Kleinpeter