C’est désormais officiel : la réforme du bac va elle-même être réformée. Adieu les épreuves communes, place à davantage de contrôle continu.
Des E3C qui posent souci
Depuis deux ans le Sgen-CFDT revendiquait la suppression des E3C au profit du contrôle continu. En effet, dès leur 1e année de mise en place, ces épreuves ont montré tous les soucis qu’elles posent. Lourdeur administrative, consignes ubuesques, refus des équipes, positionnement peu clair dans la scolarité : les soucis étaient multiples et venaient ajouter des tensions dans les lycées, qui n’en manquent déjà pas dans la période. Après des mois d’hésitations le ministère vient enfin d’acter leur disparition.
Un contrôle continu à cadrer
Une fois ceci posé, le défi reste entier. Car moins d’épreuves communes, cela veut dire davantage de contrôle continu « classique » dans l’évaluation du baccalauréat. Or de ce côté-là tout reste à faire.
Bien qu’il constitue, depuis des décennies, la principale source de la sélection (on en reparle plus bas), le contrôle continu semble un angle mort du système éducatif.
Un angle mort qui se traduit par une absence de cadrage mais aussi souvent une absence de réflexion sur le sujet.
Il a finalement fallu attendre le passage de la majorité du bac en contrôle continu suite au Covid pour que le ministère produise un document de cadrage, perfectible certes, mais nécessaire.
Les personnels, eux, se sont retrouvés au cœur de nombreuses pressions : la pandémie conjuguée à la prise en compte du contrôle continu pour le bac a entrainé une vague de récriminations, contestations, pressions qui a culminé au printemps. Il est donc nécessaire de protéger les personnels.
Entre de vrais-faux examens de type E3C ou EC et la prise en compte, largement improvisée, des notes du bulletin connue cette année, il y a de la place pour des modalités d’évaluation discutées et définies au sein des conseils d’enseignement et des conseils pédagogiques. Un cadrage simple, clair, construit par les équipes et communiqué de manière transparente aux élèves dès le début de l’année constituerait un vrai progrès.
Quel nombre d’évaluations minimum ? Quels types d’évaluations ? Faut-il des évaluations communes ? Quelles règles en cas d’absence ? Semestre ou trimestre ? Voilà autant de questions auxquelles on doit pouvoir réfléchir collectivement.
Le bac est une certification, pas une sélection
Avec l’augmentation de la part d’un contrôle continu « classique », reviennent sur la table les peurs d’un « bac local » qui vaudrait moins suivant qu’il soit passé à Machin-Le-Grand ou à Pablo Bidule. Pourtant, si les inégalités sont réelles, les craintes elles n’ont guère de sens. Car que fait le bac en fait ? Il certifie que vous avez les compétences et connaissances nécessaires pour faire des études supérieures. Et ainsi, il est reconnu par les établissements d’enseignement supérieur comme seul diplôme nécessaire pour vous accueillir.
Tant que le bac est reconnu par les établissements d’enseignement supérieur, sa valeur n’est pas remise en cause. Si ce n’est en termes éventuellement de symbolique sociale, mais ceci n’a rien de nouveau (depuis combien de temps entend-on « le bac ne vaut plus rien » ?). Un diplôme délivré selon des modalités locales peut d’ailleurs avoir une valeur reconnue nationalement. C’est le cas de quasiment tous les autres diplômes du supérieur.
Par contre, lorsqu’un établissement d’enseignement supérieur fixe un nombre de places (très) limité, lorsqu’un employeur recrute, il sélectionne. Ce qui n’a rien à voir avec une certification. Or les établissements d’enseignement supérieur et encore moins les employeurs, ne sélectionnent pas sur la base de vos résultats au bac.
Depuis des décennies les filières sélectives d’enseignement supérieur sélectionnent sur la base… du contrôle continu.
La raison est simple : pour utiliser le bac comme outil de sélection, il faudrait qu’il ait lieu en février-mars. C’est d’ailleurs en partie le projet de la réforme avec les épreuves de spécialité. A ce titre, Parcoursup n’a fait que révéler et intensifier un processus déjà bien à l’œuvre auparavant, avec un supérieur à multiples vitesses qui sélectionne sur la base du contrôle continu.
Comment ce contrôle continu est-il cadré ? Comment l’équité est-elle protégée ? Et bien … on ne sait pas. Ou plutôt si, on sait : ça ne l’est pas. Pour autant, le contrôle continu assis sur les notes semble aujourd’hui essentiel à la scolarité et il n’est pas encore question de s’en passer, malgré beaucoup d’initiatives pertinentes pour évaluer autrement.
Quelles pistes pour l’avenir ?
Alors, plutôt que de pleurer le mythe du bac purificateur et égalitaire, plutôt que de rêver transformer la certification en sélection (ce qui est tout de même un drôle de projet de société, que nous ne partageons pas) que faire ?
- A court terme, comme expliqué plus haut, renforcer le cadrage du contrôle continu. En évitant le risque de la lourdeur administrative voire de l’ubuesque (coucou les E3C, petits anges partis trop vite).
- Puisque la peur du « bac local » fait ressurgir les inégalités territoriales, on pourrait aussi commencer par aller plus loin dans l’anonymisation des dossiers et supprimer la mention du lycée d’origine dans le processus de sélection via Parcoursup pour toutes les formations. Et surtout s’attacher à réduire les inégalités entre établissements scolaires.
- Plus largement, c’est l’idée même de sélection qui est à revoir. Nos réactions sur le bac, nos croyances erronées, montrent bien que dans notre esprit la logique est encore celle de la sélection et non de la certification. Si l’on peut comprendre qu’un employeur sélectionne, pourquoi en serait-il ainsi fatalement pour les établissements d’enseignement supérieur ? Pourquoi accepterait-on là ce qu’on refuse (enfin, plus ou moins) ailleurs dans notre système scolaire ? Le Sgen-CFDT continue donc son combat contre la sélection dans le système scolaire et l’enseignement supérieur. Toute la sélection.