La CFDT ne porte pas un syndicalisme de la désespérance, mais encore faut-il avoir des raisons d’espérer.
Une dégradation constante et régulière
Depuis dix ans maintenant, la CFDT alerte les gouvernements successifs sur la dégradation constante des taux d’encadrement dans l’enseignement supérieur faute de recrutements en nombre suffisant.
Cette dégradation impacte lourdement les conditions de travail des agents.
La situation s’est fortement dégradée en 2014 et malgré des investissements en hausse depuis 2017, le rattrapage n’a pas pu avoir lieu en raison entre autres de la hausse constante et significative des effectifs étudiants accueillis dans nos universités.
La crise sanitaire et ses conséquences en matière d’organisation du travail ont porté un coup supplémentaire aux conditions de travail des agents.
C’est une nouvelle fois la mobilisation sans faille de l’ensemble des agents de l’enseignement supérieur et de la recherche qui a permis de maintenir à flots en pleine crise sanitaire mondiale le service public de formation et de recherche.
Cette mobilisation exceptionnelle n’est cependant pas récente.
Un rapport qui pose des préconisations
Le rapport de Madame Françoise Moulin Civil sur les conditions de la rentrée 2021 pose des préconisations qui ne sont pas des surprises. Elles reflètent le travail d’écoute qu’elle a mené en auditionnant les différents acteurs de l’ESR dont la CFDT, première organisation syndicale.
Des questions restent sans réponse
La CFDT partage une grande partie des préconisations même si nous relevons certains manques.
- quid de la question des outils, procédures permettant de limiter les effets de l’aérosolisation, reconnue aujourd’hui comme premier vecteur de transmission du virus ?
L’achat de détecteurs de CO2, l’installation de système de filtration de l’air, la formation des agents et des étudiants aux pratiques permettant de limiter la propagation du virus dans les espaces universitaires …etc feront-ils l’objet d’incitations spécifiques et si oui ces investissements seront ils pris en charge par l’État ? - quid de la question d’installation de centres de vaccination sur les campus pour la rentrée 2021 afin de faciliter l’accès au vaccin des étudiants et des agents ?
Bref, autant de questions qui nécessitent rapidement des réponses pour que les équipes aient le temps de les mettre en œuvre avant la rentrée et de les programmer pour les mois à venir.
La CFDT alerte sur le risque d’un effondrement général si les réponses du gouvernement ne sont pas à la hauteur des besoins et des défis qui s’ouvrent à nous dans les mois et années à venir.
Une nécessité de recrutements sur emplois pérennes
Pour la CFDT, la question cruciale reste celle des recrutements sur emplois pérennes.
Tout au long du rapport, les préconisations font état d’une prise en charge plus individualisée des étudiants par les personnels des universités :
- Pour faciliter l’accès au soin, il est écrit qu’il faut « renforcer les services de santé universitaire », construire des parcours de santé cohérents et coordonnés …
- Pour mieux accueillir et accompagner les étudiants, il est écrit de « se donner du temps pour de la remise à niveau », pour mieux accueillir et accompagner les étudiants étrangers et ultramarins …
- Pour lutter contre la précarité étudiante, le rapport préconise de maintenir un niveau exceptionnel d’effort sur la restauration, développer l’offre de restauration dans les sites ne disposant pas de structures de restauration, développer les aides spécifiques en informant plus et mieux les étudiants sur leur existence, tout cela nécessite de faire un travail de repérage, d’accompagnement des étudiants les plus fragiles …
- Pour développer l’accompagnement pédagogique adapté, il est préconisé de renforcer la méthodologie, améliorer l’orientation, mettre en place du coaching, mieux repérer les difficultés pour mieux alerter et y remédier, creuser le sillon de l’innovation et de la transformation pédagogiques …
- Pour améliorer l’accès à l’enseignement supérieur, il est encore écrit qu’il faut fluidifier les réorientations, favoriser la fluidité des parcours, aider à la mobilité … etc.
Toutes ces préconisations la CFDT les partage comme tous les agents de l’ESR.
Non seulement nous les partageons mais nous rêvons de pouvoir les mettre en place partout, pour tous !
Nous le demandons depuis des années à tous les gouvernements qui se sont succédés.
Un besoin urgent de moyens et de temps !
Comment mettre en œuvre des préconisations qui relèvent souvent du simple bon sens alors qu’aujourd’hui un enseignant-chercheur, faute d’effectifs enseignants suffisants, doit accomplir l’équivalent d’un service en heures complémentaires (celles-ci d’ailleurs toujours rémunérées moins qu’une heure normale de cours) ?
Comment mettre en œuvre ces préconisations alors que les personnels des bibliothèques qui ont maintenu les locaux et les prêts d’ouvrages même pendant les confinements stricts, sont en sous effectifs ?
Comment mieux accompagner les étudiants sur la construction de leur parcours de formation, d’orientation et d’insertion professionnelle alors que les services d’orientation et d’aide à l’insertion professionnelle sont eux aussi en sous effectifs ?
Comment mieux donner accès aux soins alors que nous n’arrivons plus à recruter de médecins et d’infirmiers en raison de rémunérations insuffisantes et de conditions de travail dégradées ?
Comment aider les étudiants en situation de précarité économique alors que souvent les agents des services sociaux des universités sont eux mêmes en situation de grande précarité car recrutés en CDD, à des conditions salariales dégradées et victimes d’un turn over incessant .
La CFDT alerte le gouvernement
Les décisions budgétaires ne relèvent pas que de de la ministre de l’ESR, mais la CFDT lui a rappelé sa responsabilité d’alerter le gouvernement et en premier chef le Premier ministre, de la situation extrêmement dégradée des universités.
Car c’est bien elle, qui est aujourd’hui en responsabilité. Comme ministre de l’ESRI et aussi comme enseignante-chercheuse et ancienne présidente d’université, Madame la ministre connaît parfaitement l’incroyable talent des universités françaises et l’engagement de leurs agents, souvent si mal reconnus parmi nos dirigeants qui ont plutôt fréquentés les grandes écoles.
Aujourd’hui, fidèle à nos valeurs, la CFDT a alerté la ministre et par elle alerté le gouvernement sur les risques réels d’effondrement du service public d’enseignement supérieur et de recherche.
La CFDT ne porte pas un syndicalisme de la désespérance mais encore faut-il avoir des raisons d’espérer.
La CFDT porte et portera plus que jamais les revendications de la communauté universitaire dont elle est la première représentante ce qui lui confère une responsabilité particulière.
La CFDT n’est ni neutre ni partisane mais libre et engagée. Elle ne se prononce pas en fonction de l’étiquette politique de ses interlocuteurs mais en fonction de leurs propositions. La CFDT a su reconnaître les éléments positifs : la loi ORE, le protocole d’accord sur la revalorisation des carrières et rémunérations.
La crise n’a fait qu’aggraver l’épuisement des personnels de l’enseignement supérieur dont la responsabilité relève des gouvernements qui se se sont succédés depuis le début des années 2000.
Solennellement, la CFDT demande d’entendre le cri de désespoir de la communauté universitaire.
Sans réponse ce cri de désespoir pourrait se transformer en cri de colère.