Évaluations nationales : en a-t-on vraiment besoin ?

La première période d'évaluations nationales vient de se terminer pour les élèves de CP. Encore une fois, le Sgen-CFDT s'interroge sur leur pertinence, encore plus cette année avec des enfants qui ont vécu la crise sanitaire et qui avant d'entrer dans les apprentissages doivent redevenir élèves.

Les évaluations nationales de CP sont maintenant derrière nous et les résultats renvoyés via l’application au serveur national. Le bilan est mitigé tant certains Items étaient en décalage avec ce que les élèves sont capables de produire notamment en cette période de retour à la normale. Nous posons chaque année la question : les enseignants ont-ils vraiment besoin de cet outil pour adapter le travail au parcours des élèves ? Pour le Sgen-CFDT, probablement pas. Il faudrait faire confiance à l’expérience professionnelle des enseignant·es.

Des évaluations énergivores !

Cela fait quatre années que ces évaluations sont menées et il convient sans doute de rappeler une fois de plus que les équipes ne comprennent toujours pas vraiment à quoi elles servent si ce n’est à des fins de pilotage. Dans certaines circonscriptions, au regard des résultats obtenus par certaines écoles, des IEN interviennent de façon injonctive pour demander aux équipes de travailler telle ou telle compétence infantilisant encore un peu plus les personnels. Le Sgen-CFDT le dit depuis leur création, ces évaluations sont coûteuses financièrement. Elles demandent surtout beaucoup de temps et d’énergie aux équipes enseignantes pour se les approprier, les faire passer dans les meilleurs conditions possibles, les corriger, coder puis enfin transmettre les résultats. Pour un aboutissement qui n’est sans doute pas à la hauteur de l’énergie déployée.

Si c’est à des fins de pilotage, il y a moyen de faire autrement…

C’est avant tout le caractère massé de ces évaluations qui pose problème : tous les enfants en même temps, sur les mêmes items, sans tenir compte du vécu de chacun. Pour beaucoup d’enseignant·es, c’est du temps perdu qui pourrait notamment être consacré à l’adaptation du parcours de l’élève. En effet, pas besoin de ces évaluations pour savoir ce que l’élève a acquis ou non car les enseignant·es ont généralement construits leur propres outils d’évaluation. Des outils qui leur permettent de mesurer les compétences acquises ou à travailler et assurent la liaison avec leurs collègues de maternelle. Alors pourquoi persévérer à les maintenir alors que de très nombreux pays dans le monde en ont abandonné l’idée préférant comme le Royaume Uni se concentrer sur des évaluations par panel ? En France, la Division de l’Évaluation, de la Prospective et de la Performance sait d’ailleurs parfaitement comment procéder et l’a souvent démontré par le passé sur différentes études. Il est en effet très facile, à partir de ces échantillons représentatifs, de mettre en place un pilotage pédagogique, des formations, en tenant compte des résultats statistiques obtenus.

Cette année, les besoins étaient ailleurs

Une situation d’autant plus vraie que la mise en route cette année, après deux années scolaires marquées par la crise sanitaire, a été compliquée pour de nombreux enfants. Beaucoup d’enseignant·es ont du passer beaucoup plus de temps qu’auparavant à rassurer et réconforter les enfants. A cela se rajoute sur de nombreuses écoles des conflits réguliers avec certaines familles qui viennent fragiliser le climat scolaire et le nécessaire travail en complémentarité notamment pour permettre à l’enfant de respecter les règles collectives de la classe.

Ainsi les enseignant.e.s ont consacré un temps considérable à permettre aux élèves de retrouver une posture d’élève. En ce début d’année, beaucoup d’entre eux étaient moins patients, moins autonomes. Il leur est ainsi plus difficile d’être confrontés seuls à un obstacle et font très souvent appel à l’adulte. Sans cela, l’enfant abandonne, ne persévère pas, malgré les encouragements des enseignant·es. Le port du masque a d’autre part fragilisé l’acquisition de sons en Grande Section ce qui a des conséquences en ce début d’année de CP pour de très nombreux élèves. Il est donc fort à parier que les besoins en orthophonie seront diagnostiqués chez nombre d’entre eux. Compte tenu de tout cela, il aurait été opportun de décider, au moins cette année, un moratoire sur ces évaluations nationales qui au final ne donneront qu’une vision biaisée de la réalité.

Un travail difficile avec les équipes de circonscription du fait de la charge de travail

Autre intérêt de ces évaluations selon le Ministère, la possibilité de travailler en équipe notamment avec les équipes de circonscription à l’exploitation des résultats de ces évaluations afin de construire par la suite des parcours adaptés. Là encore, une vision théorique qui est très belle sur le papier ! En effet, les conseillers pédagogiques de circonscription dont le métier est l’accompagnement individuel et collectif n’ont pas le temps matériel de le faire. Formations « Constellations » à mettre en place, suivi des contractuels (recrutés en nombre dans certains départements), contractuels alternants à accompagner… A cela vient se greffer de nombreuses tâches administratives à effectuer. Leur emploi du temps est donc déjà largement rempli.

Rendre les enseignants autonomes sur le choix ou non ces évaluations

Pour le Sgen-CFDT, il aurait été utile de laisser aux enseignant·es la liberté de faire ou non ces évaluations. De toute façon, les conditions pour les maintenir n’étaient pas réunies et il est bien dommage que le Ministère, par dogmatisme ait voulu envers et contre tout les conserver.