Déclaration liminaire
Monsieur le Recteur, Mesdames, Messieurs les membres de la commission, chères-chers collègues,
Cette commission paritaire vient clore, pour la plupart des élu.es certifié.es une année plus que particulière.
En effet, de nombreux évènements se sont succédé depuis la rentrée 2019 qui pourraient valoir à cette année scolaire la qualification d’annus horribilis popularisée par la Reine d’Angleterre. La réforme à marche forcée des lycées, la réforme des retraites, la mise en œuvre de la loi de transformation de la fonction publique et la disparition de l’avis préalable des commissions paritaires pour de trop nombreux évènements de carrières des collègues, la grogne contre les E3C mal pensés, ont précédé une crise sans précédent qui laissera des traces profondes dans notre société, la pandémie de COVID-19.
Nous avons affronté le confinement et affrontons le déconfinement, et ne pouvons qu’être collectivement fiers de toutes et tous les collègues de notre grande maison Éducation Nationale.
En quelques jours seulement, ce qui était encore impensable il y a quelques mois s’est mis en œuvre afin que notre mission régalienne se poursuive malgré la situation : télétravail et enseignement en distanciel ont été et sont encore le quotidien de nombre d’entre nous.
Les collègues enseignants ont déployé des trésors d’inventivité pour permettre à leurs élèves de poursuivre leurs études malgré la distanciation. Les CPE, AED, AESH ont largement participé aux liens avec les familles. Les PsyEN ont poursuivi les entretiens d’orientation et le suivi des élèves par téléphone.
Nous ne pouvons que nous en féliciter. Les collègues des administrations ont continué, à distance également, de gérer les carrières des personnels, les paies, d’assurer leurs tâches de secrétariat de direction et de gestion … Remercions-les chaleureusement.
Un certain nombre de collègues, tous corps confondus, sont resté.e.s présent.e.s dans les établissements et les services déconcentrés pour assurer les tâches impossibles à réaliser en distanciel, et ce dans des conditions pas toujours évidentes. Bravo à elles et eux aussi.
En revanche, force est de constater que nous n’avons pas beaucoup été aidé.e.s par les déclarations multiples et variées des un.e.s et des autres. Petit florilège chronologique (il a fallu faire un choix afin de ne pas vous assommer avec un inventaire à la Prévert, même si…) :
- Du ministre le 12 mars : « Dans tous les scénarios, il n’est pas prévu de fermer les écoles » puis, la fermeture totale semblait « contre-productive ». Nous savons bien ce qui a été annoncé dans la foulée par le Président de la République ;
- Par magie, le lendemain de l’annonce, « les documents sont prêts, les instructions sont prêtes » ;
- Le 25 mars, par la porte-parole du gouvernement à la sortie du conseil des ministres : « Nous n’entendons pas demander à un enseignant qui aujourd’hui ne travaille pas de traverser toute la France pour aller récolter des fraises ». Mais bien sûr, aucun d’entre nous n’a assuré ses missions !
- La bienveillance est de mise, mais le 4 mai, pour notre ministre, la réouverture des établissements, « si c’est faisable dans certains endroits, c’est que c’est faisable à peu près partout » ;
- Le 6 mai, il ne fallait pas « gâcher » les tests virologiques pour les enseignants, et devant la mission Impact Covid de l’Assemblée Nationale en réponse à un député « la solution [qui] consiste à ne plus avoir ces livres … n’empêche pas de faire certaines choses ». Un ‘certaines choses’ qui laisse perplexe et interroge sur sa réelle connaissance du travail des enseignants ;
- Question aux enfants, le jour de la réouverture de leurs écoles « Vous avez bien lu pendant les vacances ? Enfin, pas les vacances, le confinement… » Chassez le naturel, il revient au galop ! Malgré tous les beaux discours sur l’engagement des enseignants, le confinement … ça a été des vacances !
- Le 15 mai, l’Info@Professeurs#29 nous apprenait que « depuis le 11 mai, les évaluations comptent pour le troisième trimestre », sans qu’on comprenne les raisons de ce revirement – à moins qu’un miracle ait eu lieu, celles et ceux de nos élèves qui avaient des difficultés à travailler depuis chez eux étaient toujours dans la même situation mais pouvaient être évalués.
- Le 20 mai, le ministre confie son autosatisfaction à Paris-Match, ce ne sont pas les errements de sa communication mais les « falbalas médiatiques qui angoissent les parents », et s’essaie au lyrisme à propos du confinement « vécu comme un passage du cap Horn avec un navire bien malmené, entouré de bateaux pirates qui n’avaient qu’une idée : nous faire couler plutôt que de s’intéresser à l’intérêt général ». Nous restons sans voix.
- Sur LCI, encore, il déclare « Vous avez un voisin qui peut-être n’envoie pas son enfant à l’école, dites-lui que c’est bon pour l’enfant d’aller à l’école. Sauf pour raison particulière, de santé par exemple. »
- Et l’on pourrait se dire que cela va s’arrêter, mais non, il y en a toujours une. Les collègues chefs d’établissements auront particulièrement apprécié la fin de la vidéo qui leur est destinée, le 29 mai. Notre ministre leur souhaite « un mois de juin de travail et aussi de retrouvailles ». Vous noterez l’effort sur la rime !
- Sur l’allègement du protocole, notre ministre n’attend même plus d’être contredit par le Président de la République ou le Premier Ministre, il le fait lui-même : le 2 juin, chez JJ Bourdin, « au mois de juin, c’est difficile, …courant juin non, pour septembre je l’espère » et le 4 juin, à Vincennes, « l’assouplissement du protocole, j’espère qu’il pourra arriver bientôt ».
- Et la petite dernière en date, de la part de la porte-parole du gouvernement : « certaines mairies ont surinterprété le protocole sanitaire » et freinent ainsi le retour à l’école des élèves ». Mais bien sûr !
Que dire de cette communication officielle déplorable ? Et quel mépris pour tous les personnels de l’Education Nationale ! Peu de ministres auront su aussi efficacement se mettre à dos tous leurs personnels. Toutes ces petites phrases trouveront leur place dans le panthéon des « dégraisser le mammouth » d’Allègre et « Est ce qu’il est vraiment logique, alors que nous sommes si soucieux de la bonne utilisation des crédits délégués par l’Etat, que nous fassions passer des concours bac +5 à des personnes dont la fonction va être essentiellement de faire faire des siestes à des enfants ou de leur changer les couches ? » de Darcos.
Le plus pénible dans tout cela est que nous en sommes tous arrivé.es à un point où nous parlons de « circulaire BFM » ou « BO Konbini » tant les informations qui nous arrivent sont annoncées à la presse avant les principaux intéressé.e.s. Il ne reste plus que Snapchat à essayer.
La décision de reprise en mai a mis sous pression les équipes, là-aussi quel que soit leur corps : normes sanitaires drastiques, réorganisation des établissements, des emplois du temps, médecine et services infirmiers scolaires.
A avoir voulu reprendre deux ou trois semaines trop tôt au moins, nous nous retrouvons coincés aujourd’hui avec des protocoles conçus pour la situation sanitaire bien plus incertaine de mai.
Certes, on nous l’avait assuré, du Président de la République à vous-même Monsieur le Recteur, en passant par le Premier Ministre et le Ministre de l’Éducation Nationale, la reprise devait être marquée du sceau de la bienveillance et de la progressivité.
Mais il semblerait que certains n’aient pas partagé cette idée : nous le redisons ici, il est inadmissible et intolérable que des pressions aient été faites pour ouvrir absolument le 18 mai ou que des internats accueillent des élèves.
Vous avez été destinataire, Monsieur le Recteur, d’un courrier intersyndical, et je tiens ici à remercier à nouveau les organisations co-signataires, dénonçant celles de ces pressions qui ont été exercées sur la direction du collège de l’Escarène. Ce courrier a certes reçu une réponse dominicale, mais quelle réponse ! Nous avons la nette impression que le fond de notre courrier n’a pas été compris. Nul d’entre nous ne craignait que le protocole sanitaire ne soit pas appliqué mais tous nous dénoncions les pressions qui ont conduit la principale aux urgences.
Nous ne pouvons que nous interroger sur l’objectif de la décision de réouverture des établissements. « Nécessité sociale », « question d’honneur », tout a été avancé comme argument. Mais en reconnaissant qu’une réouverture partielle ne pourrait se faire que sur la base du volontariat, le ministère aurait dû comprendre qu’elle ne pourrait répondre à ces objectifs annoncés.
Les élèves décrocheurs devaient être le public cible de la réouverture. Quand on regarde les chiffres, pendant le confinement ou maintenant parmi les élèves présents dans les établissements, force est de constater que les décrocheurs ne font pas partie du public.
Le protocole sanitaire, certes indispensable, et nous ne le remettons évidemment pas en cause, rebute les parents et est anxiogène pour les enfants. Pour la rentrée de septembre, car la fin d’année est déjà plus qu’amorcée, il va falloir réfléchir collectivement à une mise en œuvre des gestes barrières qui permette à l’école, tout en préservant la communauté scolaire, de retrouver sa dimension première : échanges, partages, sociabilisation.
La volonté de rouvrir a déstabilisé les équipes pleinement investies dans le travail à distance et fait malheureusement perdre un temps précieux dans la préparation de la rentrée 2020, préparation d’autant plus compliquée qu’elle se fera pour l’instant dans des conditions encore inconnues.
Pourquoi ne pas avoir tout simplement élargi l’accueil déjà en place ?
Notre ministre parle sans cesse de montée en puissance de l’accueil et de son cercle vertueux. A-t-il seulement regardé les chiffres ? Des établissements n’accueillent que 7% de leur effectif. Des bus scolaires roulent à vide ou ne transportent qu’un seul élève. Tout cela est-il bien raisonnable ?
L’association du respect du protocole et du « l’école doit accueillir plus d’élèves » relève de l’injonction paradoxale, comme beaucoup d’autres déclarations sur l’accueil pédagogique des élèves. Cela est intenable pour tous les collègues. Et pour les familles qui ne comprennent pas pourquoi leurs enfants ne sont repris que partiellement à l’école.
Nous allons quand même nous pencher sur l’objet de cette dernière commission paritaire.
Nous ne cessons de le répéter, le passage à la hors-classe permet aux collègues de voir leur pouvoir d’achat revalorisé, pouvoir d’achat en berne depuis bien trop longtemps.
Nous voulons insister sur le fait que les collègues qui n’ont pas fait toute leur carrière dans l’Education nationale ne changeront pas de grade avant leur retraite. Ce sont soit des collègues qui viennent du privé, soit des collègues qui viennent d’autres fonctions publiques, voire de la nôtre, et pour qui les services antérieurs ne sont pas ou mal pris en compte, dont le parcours antérieur peut enrichir leur travail d’enseignant et qui sont pénalisés deux fois, une première lors de ce reclassement aléatoire à leur arrivée dans l’EN et une deuxième fois quand ils ne sont pas proposés à la Hors-classe. Et on nous parle de mobilité professionnelle ! Quelle incongruité !
Par ailleurs, nous dénonçons, encore, la pérennité des avis renseignés par les chefs d’établissement et les corps d’inspection, les « à consolider » en particulier, qui par leur caractère injonctif même ne peuvent avoir vocation à être définitifs, et nous demandons de pouvoir revenir sur des avis formulés en 2018.
Nous pouvons comprendre que la pérennité des avis explique l’absence d’avis « Excellent » pour les collègues au 11ème échelon et les seuls 51 collègues au 10ème échelon avec l’avis « Excellent » ce qui traduit un déficit de 80% par rapport aux préconisations de la note de service.
En revanche, il est difficilement acceptable que les 565 collègues au 9ème échelon ne bénéficient que de 66 avis « Excellent », soit 12%, alors que la note de service autorise jusqu’à 169 avis « Excellent ». Quelles économies de faites !
Concernant le nombre de proposés pour chaque discipline, malgré une réduction des écarts entre les matières, nous regrettons le déséquilibre toujours existant entre certaines disciplines comme l’italien à 11% de proposés ou les SVT à 13%, et la documentation ou les SII à 23%.
Le Sgen est toujours attaché au respect des grands équilibres. Nous ne pouvons que nous réjouir que les propositions d’avancement à la Hors-Classe respectent le rapport femmes – hommes du corps des certifiés, à savoir 67% de femmes et 33% d’hommes.
Dernier point, qui ne relève pas de cette CAPA mais qu’il est urgent de régler. Nombre de dossiers d’Indemnité de Départ Volontaire ou de rupture conventionnelle sont en suspens depuis des mois. Je n’incrimine en aucun cas le service de Gestion administrative et financière des personnels enseignants, au contraire, dont les collègues font de leur mieux et sont dans une position intenable : ce sont elles et eux qui se retrouvent face aux enseignants et qui doivent leur expliquer que leur dossier est bloqué, parfois depuis trop longtemps. Il est indispensable que la DGRH débloque la situation et fasse enfin paraître la circulaire ministérielle qui permettra aux services de solder tous ces dossiers, dont certains sont en attente depuis plus d’un an. Ou alors, que vous preniez la décision de traiter les dossiers, puisque les décrets qui encadrent la rupture conventionnelle sont parus depuis un certain temps maintenant. Il est intolérable de laisser les collègues dans ces situations alors même que les textes sont parus et effectifs depuis plus de six mois. Ces collègues, pour des raisons diverses, ont envie de passer à autre chose. Nous ne comprenons pas pourquoi notre institution les bloque, dans toutes les académies. Manquerait-il les fonds nécessaires pour payer les indemnités dues ?
Pour terminer, tous nos remerciements aux services du rectorat pour le travail effectué.
En vous remerciant pour votre attention.
Les élu.e.s certifié.e.s du Sgen-CFDT Côte d’Azur
Camille KLEINPETER et Magalie MURRAY