« Retour vers le futur » : le film était drôle ; dans l’Éducation nationale, c’est triste, inquiétant et rance

Billet de mauvaise humeur...

Ce jeudi 5 octobre était la journée mondiale des enseignants ; nous aurions pu attendre des remerciements, une annonce en vue de la réelle revalorisation que nous attendons toujours… il n’en est rien (le ministre estime même « que la priorité n’est plus à la hausse des salaires »… sans commentaire, ou plutôt, nous continuerons à porter encore ce sujet.)
Aujourd’hui, l’actualité, ce sont les annonces de Gabriel Attal.
Ah, des annonces, ça nous manquait, il n’y en avait pas eu depuis tellement longtemps… NON !

 

Des annonces… Nous allons finir par faire une allergie à ce mot. Parce qu’une nouvelle fois, après lecture de l’article paru dans le journal Le Monde et écoute des propos de Gabriel Attal sur l’esplanade de la BNF, notre première réaction, c’est l’abattement, quelques instants, puis le rouge monte aux joues, l’agacement s’exprime, puis la colère. De cette colère qui motive à toujours et encore défendre nos positions et avancer nos propositions.

Des annonces placées sous le signe de l’urgence.
Hop hop hop, on consulte et dans 8 semaines, on ANNONCE les décisions qui émaneront des réponses aux questions qui vont être posées…
Comme le fait remarquer Catherine Nave-Bekhti, Secrétaire générale du Sgen-CFDT, dans un tweet, c’est étrange, ces questions « semblent habilement tournées pour retomber en bout de course sur les annonces présidentielles de la fin du mois d’août ». Quoi, tout cela ne serait que pure opération de communication ?

Des annonces aux propos simplistes et dont on peut questionner la pertinence : « La pédagogie peut renverser la sociologie » dit le ministre. Après tous les propos caricaturaux entendus sur le « pédagogisme », on peut s’interroger sur ce que le ministre entend par « pédagogie ». Quant à la sociologie, on devrait peut-être laisser cette science humaine tranquille et chercher plutôt à réduire les inégalités qu’elle révèle ? Mais pour cela, faudrait-il avoir une réelle volonté de lutte contre les inégalités dans toute la société d’abord et à l’école aussi. Mais comment croire que c’est le souhait du ministre d’un gouvernement qui a tout fait pour saper les efforts en faveur de la mixité sociale dans les écoles et les établissements scolaires à l’époque où Pap N’Diaye était ministre ? Comment croire aussi un ministre qui semble ignorer qu’au sein d’une ville deux collèges proches peuvent avoir une sociologie bien différente et encore plus si l’un des deux relève de l’enseignement privé « des collèges d’une même commune, socialement identiques, qui ont pourtant plusieurs points d’écarts dans leur moyenne au brevet » (Le Monde, 05/10/2023). Parce que si l’exemple cité dans l’article existe sans doute, les inégalités de résultats existent surtout et avant tout entre collèges ségrégués socialement, phénomène accentué par l’absence de contrainte qui obligerait les établissements privés à accueillir un public plus mixte.

Des annonces réactionnaires, une rhétorique guerrière. « Au fond, nous sommes passés des hussards noirs de la IIIe République aux combattants du savoir, qui luttent contre les inégalités, les déterminismes et parfois les complotismes ».
Lutter contre les inégalités quand on enseigne dans des bâtiments décrépis, c’est peu dire que c’est factice.
Lutter contre les déterminismes quand les élèves des secteurs les plus défavorisés sont ceux pour qui le moins d’argent public est investi, c’est un peu vider la mer à la petite cuillère. Lutter contre les complotismes quand sans cesse il faut « centrer sur les fondamentaux » ça peut relever de l’utopie.

 

Des annonces d’un autre temps, un retour vers le futur qui ignore tant d’études pourtant publiées : « Je lance donc une mission « exigence des savoirs » », revenir sur l’organisation en cycle, avoir des manuels « officiels » ?… Jusqu’à présent, comme l’écrit Alexis Torchet sur X, « la vraie exigence, c’est celle de l’apprentissage. Ce qui doit compter, c’est ce que les élèves ont appris, et durablement appris. C’est la logique du socle commun et non des savoirs enseignés ». Les programmes scolaires, qui par leur lourdeur limitent les possibilités d’enseignements transversaux ou aussi essentiels qu’une réelle éducation aux compétences psycho-sociales, portent déjà l’exigence des savoirs ; c’est l’exigence des apprentissages réels qui devrait être la boussole.

 

Et permettre à tous les élèves d’apprendre, certes, cela contribuerait beaucoup moins à « l’école du tri » telle qu’elle existe actuellement, en revanche cela permettrait de faire société en mettant en œuvre des pratiques plus humanistes telle la coopération ou, tout simplement une valeur républicaine trop souvent oubliée, la fraternité.