La "nouvelle" réforme de la formation des enseignant·es et des CPE va entrainer dans les universités deux années de transition difficiles pour les équipes enseignantes et pour les étudiant·es. La CFDT s'inquiète de l'impact de la réforme sur le processus d'universitarisation de la formation.
Le décret n° 2025-352 du 17 avril 2025 qui modifie les conditions de recrutement et de formation des corps enseignants, du personnel d’éducation et des maîtres de l’enseignement privé sous contrat du ministère chargé de l’Éducation nationale est paru au Journal officiel (JO) du 19 avril 2025. Sept groupes de travail se sont réunis entre le 02 avril et le 20 juin pour discuter des conditions de mise en œuvre de cette quatrième réforme de la formation des enseignant·es en quinze ans. Un dialogue social contrarié par des postures idéologiques.
Objectifs et changements annoncés par le ministère
Les objectifs
En mars dernier, le ministère a annoncé les objectifs et enjeux de la réforme : répondre à la crise de recrutement, améliorer l’attractivité du métier et renforcer la professionnalisation.
Les changements
Le site du ministère met en avant les principaux changements suivants :
- Le repositionnement des concours de recrutement à bac +3 à partir de la session 2026. Cette mesure concerne les enseignant·es du premier et du second degré (sauf les concours de l’agrégation) et les CPE. Profession réglementée, le concours des psychologues de l’éducation nationale reste maintenu à bac+5.
- La création de la Licence Professorat des Écoles (LPE) avec le principe du « fast track ». Une nouvelle licence spécifique, la Licence Professorat des Écoles (LPE), sera mise en place dès la rentrée 2026. Elle préparera au métier de professeur·e des écoles et au nouveau concours de recrutement. Jusqu’à présent, il n’existait pas de licence particulièrement dédiée au métier de professeur·e des écoles. Les étudiant·es qui valideront les trois années de cette licence seront dispensé·es des épreuves d’admissibilité (les écrits) du concours (dispense des épreuves d’admissibilité = « fast track »).
- Une formation rémunérée dans un nouveau master « M2E ». Après la réussite au concours en fin de licence, les lauréat·es suivront un nouveau master « Métiers de l’enseignement et de l’éducation » (M2E) de deux ans. Elles et ils seront alors rémunéré·es (M1 : statut d’élève fonctionnaire à 1400 € / mois – M2 : statut de fonctionnaire-stagiaire à 1800 € / mois). Les titulaires s’engageront à servir l’état pendant quatre ans à l’issue de leur titularisation.
La CFDT reconnaît que l’arbitrage politique arraché par la ministre d’État Elisabeth Borne pour financer les deux années de formation des lauréat·es est une avancée majeure. En revanche, nous émettons de nombreuses critiques sur d’autres décisions. C’est une réforme chèrement payée par les équipes universitaires pour rembourser les deux années de rémunération des étudiant·es en master !
Des impacts dès la rentrée 2025
Des modules de préparation à adapter dans l’urgence
Faute de temps pour modifier les maquettes de formation en licence, voire en master, les concours en fin de L3 à la session 2026 obligent les équipes universitaires à mettre en place dès la rentrée 2025 des modules de préparation aux nouvelles épreuves qui s’ajoutent aux cours déjà existants. Le ministère de l’Enseignement supérieur s’est engagé à financer les adaptations pédagogiques à hauteur de 10 millions pour les deux années de transition. Malheureusement, ces modules ne seront pas en nombre suffisant dans toutes les universités pour répondre à l’attente et aux besoins des étudiant·es.
La CFDT dénonce les risques d’inégalités quant à la préparation des concours et demande que tou·tes les étudiant·es puissent accéder sans surcoût à la préparation du concours de leur choix.
Des concours du second degré en difficulté
Le concours de recrutement de professeur.e des écoles (CRPE) sera bien ouvert en L3 et en M2 dès 2026. Les deux concours se tiendront à des dates différentes (mars pour M2 et avril pour L3). Cependant, les académies continueront d’organiser les écrits sur les mêmes dates (avec maintien du concours supplémentaire à Créteil et à Versailles).
Pour le second degré, vingt disciplines seulement seront ouvertes aux niveaux Bac + 3 et Bac + 5, correspondant à 86 % du total des postes. Pour les autres disciplines pour lesquelles une décision d’ouverture sera prise, organisation d’un concours unique de niveau BAC + 3.
Les épreuves seront organisées le même jour pour les disciplines qui ne rencontrent pas de problème d’attractivité : | À des dates différentes pour les disciplines rencontrant des problèmes d’attractivité : | |
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Ne pas ouvrir tous les concours du second degré aux deux niveaux de recrutement pendant les deux années de transition est à la fois source de confusion et injuste pour des étudiant·es engagé·es en master et qui n’auront plus de concours en fin de M2 dès la prochaine session. Les concours qui n’ont pas de licence dédiée (CPE, CAPET et CAPLP en particulier) ne seront pas préparés de façon satisfaisante.
Une inconnue majeure sur la ventilation des postes au concours entre L3 et M2
On ne connait pas à ce jour l’arbitrage (de niveau interministériel) sur le plafond d’emplois. Une clé de répartition globale L3/M2 sera rendue publique dès après réception par le ministère de sa lettre plafond (juillet 2025).
Pour la CFDT, une prévision pluriannuelle des postes est indispensable. La coexistence de deux niveaux de recrutement pendant deux ans devrait automatiquement entraîner l’augmentation du nombre de postes total puisque les lauréat·es des deux concours n’arriveront pas devant les élèves au même moment.
Une formation universitaire sous tutelle
Un nouveau master « M2E » écartelé
L’état final du cadrage du futur master M2E (rentrée 2026) n’est toujours pas connu, mais nous avons déjà compris qu’il était là pour répondre aux besoins de l’employeur. Dans ce master ouvert prioritairement (exclusivement ?) aux lauréat·es des concours, l’avis du recteur sera déterminant pour le passage entre le M1 et le M2 et l’affectation comme fonctionnaire-stagiaire.
On ne connait pas le cadrage des commissions académiques qui décideront du parcours de formation des lauréat·es (deux ans ou un an à mi-temps ou temps plein immédiat devant élèves).
La décision de considérer les stagiaires comme des moyens d’emploi entrainera de facto une reconfiguration de l’offre de formation à partir de la rentrée 2026 pour le second degré. Il y aura des regroupements académiques pour certaines d’entre elles.
La CFDT demande à ce que les stagiaires ne soient pas considéré·es comme des moyens d’emploi. Le stage en responsabilité ne doit pas excéder un tiers temps de service.
Les leçons n’ont pas été tirées de l’échec de la réforme de 2013 avec une année de stage beaucoup trop lourde en M2. La CFDT alerte le ministère sur les conséquences d’un stage en responsabilité pour mi-temps de service. Celle-ci est incompatible avec une formation universitaire, même en alternance. La réforme de la formation des enseignant·es doit tenir compte des exigences académiques autant que des besoins de l’administration.
La gouvernance des INSPÉ toujours plus fragilisée
Elle reste un sujet non réglé et cause d’instabilité. Aucune modification sur les conseils actuels alors que revaloriser le Conseil d’Institut (CI) nous semble indispensable à la CFDT.
La proposition de créer un « Directoire » qui réunirait le recteur ou la rectrice d’académie, les président·es d’universités et le directeur ou la directrice de l’INSPÉ est contestable : le centre de décision doit rester un organe collégial, incluant des représentant·es des personnels et des étudiant·es.
Le rôle de l’inspection générale (IGESR) dans l’évaluation des formations aux côtés de l’HCERES ne se justifie pas. La CFDT réclame le renforcement du conseil d’orientation scientifique et pédagogique (COSP) et des conseils de perfectionnement (CPER) prévus dans les statuts.
Le recrutement des personnels de terrain dans la future formation doit obligatoirement se faire au sein de commissions mixtes université-rectorat.
La CFDT demande que les personnels des INSPE soient mieux associés aux décisions qui les concernent. Le renforcement des instances déjà existantes est primordial.
Un futur référentiel de formation licence-master totalement inapproprié
Il entend s’inscrire dans le cadre d’un continuum de formation sur 5 ans en totale inadéquation avec la réalité de la situation. Pour le 1er degré, tou·tes les étudiant·es ne passeront pas par la nouvelle licence PE. Et bon nombre de lauréat·es des concours n’auront droit qu’à une année de formation comme fonctionnaire stagiaire mi-temps à l’issue du concours.
Il propose quatre niveaux de maitrise de compétences à chaque étape du parcours de formation (fin de L3, fin de M2, formation continuée, formation continue). Or, pour les deux premiers niveaux, on ne comprend pas leur articulation avec les attendus du concours (fin de L3) et de la titularisation (fin de M2).
Enfin, le référentiel prend surtout la forme d’un programme de formation à suivre par les équipes universitaires (pour les rares exemples donnés pour le moment). Pour la CFDT, un tel catalogue est inacceptable : les équipes universitaires savent travailler, il y a de l’expertise partagée sur les sujets de formation.
Les enseignant·es ne peuvent pas être réduit·es à des simples exécutant·es d’un programme national. Il faut une prise en compte des besoins spécifiques des étudiant·es et des contextes locaux.
La CFDT n’a pas demandé un moratoire sur la mise en œuvre de la réforme pour la rentrée 2025, consciente dans le contexte actuel de restriction budgétaire qu’il fallait saisir l’opportunité de la rémunération des lauréat·es de concours pendant leurs deux années de formation. En revanche, notre fédération demande des inflexions majeures sur les futurs contenus de la formation universitaire et des concertations sur la nouvelle carte des formations.