Numérique éducatif et Gafam : un mariage de raison ? 

Un courrier de la Direction du numérique pour l'éducation (DNE) autorise l'utilisation des services de sociétés privées telles que Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft (Gafam) pour stocker et traiter les données individuelles (scolaires ou professionnelles) des élèves et des personnels.

INQUIÉTUDES !

Ce courrier de la DNE a déclenché de vives réactions au sujet de la protection et de la maitrise des données personnelles.

Pour son directeur, Mathieu Jeandron, il s’agit d’abord de donner un cadre juridique aux pratiques actuelles, cadre qui permettrait de protéger les données des élèves d’un usage commercial. Ce contrat spécifique « éducation » était nécessaire.

Les services dits gratuits ont en réalité une visée lucrative…

Cependant, les services dits gratuits ont en réalité une visée lucrative en habituant les élèves et les enseignants à l’usage d’un système donné. On les incite ainsi à utiliser ce même système en milieu privé, avec cette fois des conditions contractuelles bien différentes.

Un tel contrat ne peut donc suffire. Il est nécessaire de former tous les acteurs aux outils alternatifs et aux enjeux et risques du partage des données. Des moyens doivent aussi être alloués aux établissements pour leur permettre de mieux maitriser leur système informatique.

Recommandation de la CNIL sur le numérique éducatifUNE CHARTE DE CONFIANCE ATTENDUE

Par ailleurs, la charte de confiance qui devait lier l’Éducation nationale et les fournisseurs de services numériques n’est toujours pas connue.

Cette charte doit être élaborée par le ministère et les grandes entreprises, mais ni les représentants du personnel ni les parents d’élèves ni les petites entreprises n’y sont associés.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) pointe l’insuffisance de protection et recommande un cadre juridique contraignant ainsi que le stockage des données en Europe.

RENVERSER LES PERSPECTIVES

Enfin, la réflexion est menée à partir des outils existants et non des besoins des usagers. Un point de vue qui inhibe le développement de solutions réellement adaptées et portées par les équipes locales et la filière informatique française.

Dans ces conditions, comment préparer les élèves à une société en mouvement qui nécessite de s’adapter en permanence ?

Cela ne peut être le cas si on leur apprend à se servir d’un seul et unique service ou logiciel. Il est indispensable de promouvoir la diversité des outils et les logiciels libres qui permettent l’étude du logiciel et plus largement promeuvent la connaissance (du fonctionnement de l’informatique) et pas simplement l’utilisation d’un logiciel.

Le Sgen-CFDT attend une politique volontariste du ministère sur ces points.

La liberté numérique selon April

Le vrai pouvoir, c’est la connaissance, F. Bacon

April logiciels libres et numérique éducatifEn janvier 2017, le Sgen-CFDT a adhéré à l’April. Qu’est-ce que l’April ? Il s’agit de l’association française qui défend le logiciel libre, c’est à dire les logiciels qui permettent l’utilisation, l’étude et la modification du code, ainsi que la redistribution libre du logiciel. Firefox, LibreOffice ou encore VLC sont parmi les plus connus.

Pourquoi le Sgen-CFDT a-t-il choisi d’y adhérer ?

Le choix entre les logiciels libres et les logiciels propriétaires, c’est le choix entre le partage des connaissances et l’obscurantisme. Acteur du monde de l’éducation, le Sgen-CFDT est bien évidemment favorable au partage des connaissances !

Au-delà de l’idéologie, les enjeux de l’informatique sont aujourd’hui considérables et on prend conscience, par exemple avec les polémiques autour d’APB, que le code source, les algorithmes peuvent avoir des conséquences personnelles, sociales, économiques très importantes.

Il est essentiel de défendre ces pratiques d’ouverture et lutter contre la rétention des connaissances. La liberté de redistribuer les logiciels permet aussi à tout élève d’accéder légalement à des outils sans barrière.

Quelles sont les actions menées par l’April ?

Le 11 mars, le Sgen-CFDT était présent à l’assemblée générale de l’April où ont été rappelées ses nombreuses actions. Par exemple, l’April a été très présente dans les médias pour dénoncer le « partenariat » entre Microsoft et le ministère de l’Éducation nationale.

L’association propose aussi une liste de diffusion très active sur les logiciels liés à l’éducation et leur utilisation en classe.

D’autres projets sont prévus : n’hésitez à adhérer vous aussi !

[Ces deux articles, initialement parus dans Profession Éducation, le mensuel du Sgen-CFDT, n° 254 (juin 2017), sont signés Adrien Ettwiller et M.P.]

Pour aller plus loin :