Gabriel Attal : « l’École de demain avec le bonheur d’hier ! »

Notre analyse des annonces sur l'École de Gabriel Attal.

Le 5 octobre célébrait la Journée Mondiale des enseignants.
Si les remerciements ont été formulés à plusieurs reprises, ce sont bien les annonces faites par le Ministre dans la droite ligne de ce qu’il avait évoquée dans un article du Monde quelques jours auparavant qui interpellent et inquiètent.

Pour le Ministre, l’École doit tendre vers l’excellence des savoirs quitte à ressortir les vieilles recettes éculées : restaurer l’autorité des maîtres, renforcer l’apprentissage des fondamentaux, avec un fil rouge, la nécessité pour les enseignant.e.s d’exercer leur métier dans le bonheur.
Pour le Sgen-CFDT, ces annonces idéalisent une école passéiste loin des réalités des collègues partout en France. On est donc très loin du monde des bisounours décrit par les enseignants qui sont venus témoigner lors de cette célébration.

Une consultation au pas de courseMinistre : encore des réformes à prévoir !

Le Ministre a annoncé trois chantiers qu’il qualifie de prioritaires

Restaurer l’autorité, la formation initiale et l’exigence des savoirs

Pour cela, il met en place une commission et trois groupes de travail. La commission est chargée de faire la synthèse des travaux et de proposer des pistes. La démarche est intéressante, mais l’objectif fixé est de rendre les mesures qui vont en découler opérationnelles pour la rentrée 2024.
Comment imaginer un travail constructif, un véritable dialogue social avec les représentants du personnel et ainsi construire des pistes dans un délai imparti de 8 semaines ?
Ce n’est pas, pour le Sgen-CFDT un délai raisonnable si l’on veut mener un dialogue social de qualité et constructif.
Quand on sait en plus que ces pistes risquent d’engager le système éducatif pour plusieurs années, il est urgent de prendre un temps conséquent. A moins que les pistes soient déjà toutes tracées et que ce dialogue voulu et annoncé ne soit que de la façade.

Pour le Ministre, il faut mettre à plat les programmes dans le premier degré

De l’avis du Ministre, les programmes du premier degré sont aujourd’hui à revoir car il faut tenir compte de l’ensemble des adaptations, des circulaires, des guides qui ont été mis en œuvre depuis.
Alors que ces textes avaient demandé près de deux années de consultations diverses, de groupes de travail pour être écrits, là, tout doit être bouclé pour la fin de l’année au nom de l’ « exigence des savoirs ».
Les programmes actuels, tous les enseignant.e.s le diront sont intenables tant ils sont denses et aux travers des dires du Ministre, peu de chance pour qu’il soit décidé de les alléger tant les propos tournaient autour de la nécessité d’excellence.
Pour le Sgen-CFDT, ce sont avant tout ces ajouts permanents depuis 2017 qui empêchent le travail des enseignants : sport quotidien, harcèlement, éducation à la laïcité et demain des cours d’empathie ou de culture générale, des injonctions liées trop souvent à une actualité...

Changer une nouvelle fois les programmes ne permettra pas d’inscrire l’action pédagogique dans un temps long mais continuera à créer un zapping permanent chez les professionnels, source de désabusement.

Et encore une fois l’accent sur les fondamentaux

Comme cela a été dit une nouvelle fois, il faut mettre l’accent sur les fondamentaux, au nom du « rattrapage colossal » à mener. C’est pourtant une utopie. Comme le montre « Regards sur l’Education » publié par l’OCDE, les enseignants français consacrent déjà 58 % de leur temps pour ces deux disciplines contre 40 % en moyenne dans les pays de l’OCDE.
Comment les professeurs des écoles vont-ils pouvoir aussi faire des sciences, de l’Histoire-Géographie, de l’EPS … si on leur demande encore plus de français et de maths ?

Pour le Sgen-CFDT, il convient avant tout de ne pas faire des enseignant.e.s des exécutants mais de les considérer comme des ingénieur.e.s pédagogiques capables de penser leur enseignement en fonction des besoins des élèves.

Les pays qui ont vu les résultats des élèves progresser ont quasiment tous donné une plus grande autonomie aux équipes pédagogiques pour adapter leur enseignement en fonction des besoins de leurs élèves. Pourquoi dès lors ne pas suivre le même chemin ?

Supprimer les cycles et créer des groupes de niveaux au collège

Pour le Ministre, les programmes sont mal articulés avec le niveau des exigences. La faute selon lui, aux cycles à l’origine de la spirale de l’échec des élèves. Afin de remédier à ce diagnostic, il a la volonté de supprimer les cycles pour les transformer en groupes de niveaux plus modulaires notamment à l’entrée au collège, des groupes qui pourraient perdurer sur les autres niveaux de ce collège.
Veut-on aller vers une plus grande individualisation des parcours des élèves au sein du collège unique ? Ce pourrait être une bonne chose à la condition expresse de permettre un travail plus collectif dans les établissements et les écoles, des échanges entre les collègues pour construire ces parcours.

Pour le Sgen-CFDT, tout cela n’est pas envisageable en l’état tant les personnels sont dans l’urgence permanente. Une chose est certaine, l’hétérogénéité est plutôt une richesse au sein d’une classe comme de nombreuses études le montrent. Il faudrait donc, pour une meilleure prise en compte des élèves, mieux former les enseignant.e.s à la prise en compte de l’individualisation des besoins tant en formation initiale qu’en formation continue.

La mise en place d’une Ecole Normale du 21ème Siècle…

Après l’IUFM, l’ESPE et l’INSPE va-t-on voir revenir les Ecoles Normales ?
C’est en tout état de cause ce que laisse penser le discours du Ministre avec l’annonce de la volonté de créer l’Ecole Normale du 21ème Siècle.
Peut-on à travers ce terme penser que le décrochage du recrutement des enseignants du premier degré est acté ? Penser que cela va résoudre les problématiques d’attractivité du métier enseignant et un retour des candidats au métier relève de l’imagination.

Pour le Sgen-CFDT, ceci n’est pas acceptable et marquerait un retour en arrière de trente ans. Il faudrait par contre mieux concevoir les contenus de la formation initiale et la nature du concours afin d’aller vers des épreuves plus professionnalisantes et moins tournées vers le savoir.

D’autres annonces toutes aussi surprenantes voire stigmatisantes

Au gré du discours d’autres pistes ont été annoncées :
• La volonté d’aller vers des manuels labellisés par le Ministère
• Faire que les élèves qui n’ont pas le niveau à l’entrée en sixième fassent des stages de remise à niveau pendant les vacances car « ce sont eux qui font baisser le niveau général »
• Mieux former les élèves à l’utilisation des outils numériques

Un ministre avec un discours passéiste loin des réalités des collègues

Alors seulement des pistes ou des choses déjà actées ? Telle est la question que l’on peut se poser au vu du temps imparti à la concertation mais aussi à la précision des propositions.
Au Sgen-CFDT, nous ne sommes absolument pas certains que de telles mesures vont permettre de rendre le métier plus attractif ou encore permettre de restaurer une confiance dans un ministère qui ressort de vieilles recettes au gré de ses certitudes. Notre organisation syndicale a des choses à proposer, encore faudrait-il avoir un espace pour effectuer ces propositions et disposer d’un véritable dialogue social !