La sixième ministre de l'Education Nationale sous Macron a été nommée le 21 septembre 2024.
La première prise de parole de la nouvelle Ministre de l’Éducation nationale, la 5ème (déjà !) du second quinquennat d’Emmanuel Macron, a eu lieu rue de Grenelle le lundi 23 septembre 2024. La passation de pouvoir entre Nicole Belloubet et Anne Genetet n’est pas sans soulever plusieurs questions, face à cette nomination de dernière minute, d’une députée inconnue du grand public et sans expéérience du monde de l’éducation.
Établie à Singapour en 2005, élu députée des Français de l’étranger en 2017, Anne Genetet fait face à une première polémique liée à son entreprise, Help Agency, qu’elle fonda à l’attention des expatriés pour les aiguiller dans le recrutement du personnel de maison, notamment philippin. « Évitez émotion et compassion », « gardez la bonne distance » sont des formules qu’on peut lire sur le site de l’entreprise.
Un ton qu’on imagine difficilement compatible avec sa nouvelle mission.
Une nomination pour assurer la continuité ?
Alors que le nom de Violette Spillebout, députée et conseillère municipale de Lille, a circulé jusqu’à récemment, cette nomination semble avoir été imposée à Michel Barnier par Gabriel Attal, locataire sortant de Matignon et lui-même ancien Ministre de l’Éducation, à l’origine de la réforme du « choc des savoirs », à laquelle le Sgen s’est toujours opposé. Nicole Belloubet, qui a assuré l’intérim pendant 8 mois, a tenté d’assouplir au maximum cette politique, avant un retour aux sources ?
Selon les informations du journal Le Monde, la nouvelle ministre est entourée par des proches de Gabriel Attal, de son directeur adjoint (Rayan Nezzar, ancien membre de cabinet d’Attal) à sa directrice de la communication (Ludivine Mary, en provenance de Matignon). Sans expérience du monde de l’éducation (hormis les membres de sa famille, qu’elle a abondamment cités lors de sa prise de fonction), Anne Genetet est-elle une ministre sous tutelle ?
Le retour du « choc des savoirs » ?
Dans la lignée de ses prédécesseurs Anne Genetet souhaite poursuivre les travaux concernant le choc des savoirs, de même que la réforme du brevet visant entre autres à conditionner le passage en 2nde à l’obtention du DNB.
Ce dernier point rappelle la tentative du gouvernement de créer une « classe préparatoire à l’année de 2nde », à laquelle le Sgen-CFDT a déjà fait part de son opposition, tant pour le frein que cela constitue pour la scolarité des élèves que pour le non-sens économique qu’elle représente, dans le contexte actuel.
La reprise de l’esprit réformateur de Gabriel Attal semble donc être la priorité de notre nouvelle ministre pour élever le niveau des élèves français.
L’autorité des profs
Si notre ministre se pose la question c’est qu’il y aurait donc une crise d’autorité. Mais alors l’autorité de qui, de quoi, comment ? Une réflexion que Madame Genetet semble vouloir ouvrir mais accordera-t-elle les moyens aux enseignants de redorer leur image ?
Dans une excellente séquence radiophonique, Ayyam Sureau résume la situation. La demande d’autorité est en fait une demande de répression et d’autoritarisme. Or, l’autoritarisme, c’est « la démonstration puissante d’une carence d’autorité ».
Le fait que les élèves craignent de moins en moins les adultes représente une chance car en mettant en crise institutionnelle et individuelle les acteurs de l’école, il invite à une conversion profonde, un changement de système de motivation prédominant, où le problème n’est plus de restaurer l’autorité, mais de l’instaurer.
Daniel Favre
Le bien-être et la santé des enfants et des professeurs
Je crois beaucoup à la santé scolaire et comme médecin vous l’aurez compris cette cause me tient à cœur et je la prendrai à bras le corps avec toutes ses difficultés.
Anne Genetet
En faisant le lien avec son expérience de médecin, la nouvelle ministre fera de son fer de lance, le bonheur, la « santé scolaire » et la santé physique et psychologique.
Concernant la santé, la difficulté et le manque de recrutement de médecins du travail risquent de complexifier l’atteinte de cet objectif.
Aussi, sans moyens humains supplémentaires et avec un budget 2025 à moyens constants ou en baisse, comment améliorer l’accompagnement, la prise en charge, l’écoute des élèves ?
Des chantiers importants totalement absents dans le discours
Bien que suggéré par Nicole Belloubet à sa successeur, la formation des professeurs et la revalorisation des salaires, nécessaires à une meilleure attractivité du métier, n’ont pas été abordées par la ministre.
Elle est pourtant, pour le Sgen-CFDT, la base d’une entrée dans le métier réussie. Il en va de même pour la remise en cause du SNU, l’accueil des élèves en situation de handicap, la mixité sociale… Autant de grands absents du discours de la nouvelle locataire de l’hôtel de Rochechouart.
Madame Genetet doit se préparer à un bras de fer avec Bercy, qui prépare actuellement sa loi de finance et qui projette des milliers de fermetures de classes en raison de la baisse démographique. Dès lors comment le besoin de continuité peut-il être satisfait? Comment les conditions d’exercice pourront-elle être améliorées ?
Des méthodes qui laissent pantois…
Le 1er octobre, Anne Genetet se proposait de recevoir le tiktokeur Senseidesmots, à l’origine d’une pétition début septembre visant à réduire le temps passé en classe par les élèves et comptant quelques 285 000 signatures à ce jour.
Si la Ministre s’est justifiée par le fait qu’elle n’a « aucun tabou », cette annonce a provoqué une vague de mécontentement dans le monde enseignant, alors que tous les syndicats ont déjà fait part de leur inquiétude suite à sa nomination. Le 3 octobre, il a été annoncé qu’il n’y aurait pas de rencontre, alors que des commentaires potentiellement homophobes postés par le vidéaste refont surface sur Internet…