Conférence de presse de rentrée scolaire 2024

Texte introductif de la conférence de presse du 20 septembre 2024 sur la rentrée scolaire.

Les deux fédérations CFDT de l’éducation (Sgen-CFDT et FEP-CFDT) ont décidé de faire conférence de presse commune.

conférence de presse

Trois semaines après la rentrée scolaire 2024, les deux fédérations CFDT de l’éducation : la CFDT Éducation Formation Recherche Publiques et la fédération Formation Enseignement Privé CFDT dressent un état des lieux du système éducatif à partir des échanges que nos militantes et militants ont avec les personnels sur l’ensemble du territoire nationale sur leurs réalités professionnelles. Enquêtes par questionnaire, rencontre avec les agents dans les écoles, collèges, lycées, services déconcentrés, réunions d’adhérentes et d’adhérents sont autant d’occasion d’avoir une vision précise du fonctionnement réel du système éducatif, du vécu des agents et aussi de construire avec elles et eux des cahiers revendicatifs, des actions syndicales de tout type pour obtenir des amélioration.

La rentrée 2024 a été préparée et assurée avec professionnalisme par les agents mais à quel prix et avec quels moyens ?

Du côté des moyens, c’est clair, tous les besoins ne sont pas couverts : des postes d’enseignants, de médecins scolaires, de personnels administratifs… dans tous les métiers, il faut tenter d’assurer le service avec moins de personnels que ce qui est nécessaire. C’est la conséquence de concours qui ne font pas le plein, et de difficultés croissantes à recruter des contractuels. Le résultat c’est une dégradation continue des conditions de travail, de la continuité et même de l’accès au service d’éducation.

Du côté des moyens encore, les coups de rabots budgétaires se font déjà lourdement sentir. Le volume d’heures supplémentaires effectives déléguées dans les collèges et lycées est plus faible que l’an dernier. Cela signifie concrètement des difficultés encore plus grande pour organiser de manière souple des remplacements de courte durée puisqu’on se prive des personnels qui refusent le pacte enseignant, que des projets pédagogiques n’auront pas lieu. Dans de nombreux centre d’information à l’orientation, les PsyEN EDCO ont été informés de réduction drastique voire d’absence de remboursement des frais de déplacement. Nos collègues refusent de payer pour travailler. Résultat : ils et elles ne se déplacent plus dans les établissements, c’est aux élèves et aux familles de se déplacer. Cela va inévitablement produire des inégalités majeures d’accès au service public de conseil et d’éducation à l’orientation. Les mêmes causes ne manqueront pas de produire les mêmes effets pour tous les personnels dont le travail implique des déplacements : personnels sociaux et de santé, personnels d’inspection notamment. Sur cet effet des coupes budgétaires pas une parole ministérielle pour expliquer aux familles la réalité de l’éducation nationale.

À quel prix ? Celui d’une reconnaissance bien maigre du travail accompli qui s’alourdit d’année en année au gré des réformes mal ou pas concertées. Les mesures salariales des dernières années ne suffisent pas à rattraper les dizaines d’années de décrochage salarial.

Nous parlons donc d’un système éducatif structurellement fragile qui manque de moyens humains et pourtant poursuit sa course aux réformes, aux mesures et dispositifs mal pensés et surtout qui s’empilent sans cohérence entre eux et sans cap défini. Tout cela est délétère et alimente la perte d’attractivité de nos métiers.

La rentrée 2024 est une rentrée étrange à l’éducation nationale comme dans l’enseignement agricole avec des ministres démissionnaires chargés des affaires courantes et des chantiers inachevés et donc des incertitudes et incohérences supplémentaires pour les agents. Le ministère de l’Education nationale a dû finir par admettre ce que nos deux fédérations ont dit en juillet, rappelé en août : la réforme Attal du brevet des collèges n’aura pas lieu en 2024-2025. Le choc des savoirs est donc incomplet et c’est tant mieux, tant les mesures qui le composent sont aux antipodes de notre vision de l’éducation et heurtent les valeurs de nombreux de nos collègues. Mais le choc des savoir, même incomplet, dégrade les conditions de travail, agave la perte de sens au travail pour les personnels. La mise en œuvre de l’enseignement des mathématiques et du français en groupes au collège est très variable d’un établissement à l’autre entre groupes homogènes et groupes hétérogènes, et c’est bien le résutlat de l’action syndicale d’analyse critique de cette mesure, et de mobilisation des personnels en 2024. Mais partout cela aboutit à des emplois du temps dégradés qui vont alourdir le travail des CPE et assistants d’éducation, et qui morcellent le temps de travail des enseignants et le temps scolaire des élèves. Du côté des évaluations nationales standardisées généralisées, elles surchargent davantage les enseignantes et enseignants, en particulier à l’école élémentaire où il est obligatoire de les déployer chaque année. Nombre d’enseignants doutent de leur utilité quand ils n’y sont pas hostiles. Nos deux fédérations demandent l’abandon de ces évaluations. Cependant, alors qu’elles sont imposées malgré l’avis des personnels, le travail qu’elles génèrent doit être reconnu : en temps et en rémunération, et défraiement des déplacements pour les directeurs et directrices qui transportent les cahiers d’évaluation à leurs frais.

Soulignons cependant une victoire syndicale qui se dessine depuis quelques jours concernant le déploiement du logiciel Op@le. La mobilisation des personnels, organisée avec plusieurs organisations syndicales débouche enfin. La CFDT Éducation Formation Recherche Publiques avait très tôt alerté le ministère sur la dégradation des conditions de travail des équipes d’intendance, d’administration et de direction dans les EPLE passés à Op@le mais aussi l’impact négatif pour la vie pédagogique des établissements, pour le lien avec les familles et les prestataires des établissements : retards, voire impossibilité de facturer, mettre en paiement… Enfin le ministère reconnaît l’ampleur du problème, desserre le calendrier, et annonce des évolutions du logiciel, une réorganisation de l’assistance et de l’accompagnement des établissements, de nouveaux groupes de travail. Cependant, il ne se prononce pas sur les moyens dédiés à ce chantier, or il faut mettre des moyens sur l’accompagnement du changement.

Alors que le Premier ministre alerte sur l’état des finances publiques, et que les gouvernements précédents cherchaient déjà comment réduire les moyens humains dans l’éducation pour faire des économies, les perspectives budgétaires sont une source d’inquiétude pour les personnels.

Nos deux fédérations le réaffirment avec force, si le gouvernement ou les gouvernements à venir choisissaient la stratégie du coup de rabot sur l’école, ce serait un renoncement grave aux ambitions pour les jeunes générations, et une aggravation des fragilités du système éducatif.

L’incertitude et l’instabilité politiques deviennent plus que problématique sur le plan budgétaire avec une incapacité à penser les politiques publiques dans la durée. Il faudrait pourtant investir pour donner des perspectives aux personnels de l’éducation et à toute la population sur le service public d’éducation dans notre pays.

Nos deux fédérations portent un ensemble de propositions et revendications pour les personnels et pour le système d’éducation et de formation. Notre dossier de presse vous en présente les éléments qui nous paraissent prioritaires au regard des échanges que nous avons avec les personnels de l’enseignement public comme de l’enseignement privé.

Pour reconstruire l’attractivité de tous les métiers :

  • améliorer les rémunérations et le pouvoir d’achat dans le cadre d’une programmation pluriannuelle en agissant sur la valeur du point d’indice, sur les grilles, sur les indemnités socles sans alourdir la charge de travail et sans creuser les inégalités entre femmes et hommes, sortir d’une situation dans laquelle des personnels devraient payer pour exercer leurs missions, nous revendiquons le passage à 30€ de participation de l’employeur à la cotisation pour la protection sociale complémentaire dès le 1er janvier 2025
  • améliorer les conditions de travail, en garantissant à tous les agents le temps de bien travailler et un temps et une organisation du travail respectueuse des cadres les plus élémentaires et intègre un droit effectif à la déconnexion. Tout cela doit faire l’objet de dialogue professionnel et de dialogue social : les agents doivent pouvoir agir sur leur travail.
  • donner des espaces et du temps pour les collectifs de travail parce que les métiers de l’éducation s’exercent mieux dans un cadre collectif, les personnels sont mieux au travail quand ils ont les moyens de ne pas rester isolés
  • redonner le temps et les moyens d’un accès serein à la formation continue tout au long de la carrière et cesser les mesures et discours qui tendent à ne pas reconnaître que la formation continue c’est d’un travail
  • mieux assurer le droit à la mobilité professionnelle et géographique et aménager les fins de carrière.

Sur tous ces sujets, les discussions devront reprendre pour redresser l’attractivité, et reprendre en acceptant de revenir sur des mesures récentes et délétères, en acceptant que pour cela il n’est pas possible d’appliquer un rabot budgétaire aveugle aux conditions de travail des personnels, même en période de baisse démographique. Chaque année nous constatons la montée de l’épuisement professionnel, il est temps aussi que l’État se donne les moyens de développer une véritable politique de santé au travail au bénéfice des agents.

Dans nos rencontres avec les personnels la résolution des difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de la mission d’inclusion font partie des priorités. Il y a beaucoup à faire pour rendre l’école inclusive dans de bonnes conditions pour les personnels et les élèves.

Nos deux fédérations proposent des mesures structurantes et aussi des organisations permettant de faire face aux urgences pour que les personnels ne soient plus laissés seuls et désemparés quand les conditions d’une inclusion réussie ne sont pas réunies et que le travail devient trop dur, voire insupportable.

Les mesures structurantes impliquent notamment le rapprochement des professionnel·le·s du secteur médico-social de celles et ceux de la filière Santé-social et de l’enseignement spécialisé de l’Éducation nationale. Les enseignantes et les enseignants ont besoin du soutien et de l’expertise d’autres professionnel·le·s pour pouvoir gérer l’hétérogénéité croissante de nos classes, l’augmentation du nombre d’élèves à besoins particuliers. Il est nécessaire que cette aide ne se limite pas à un accompagnement théorique comme c’est souvent le cas actuellement. À ce sujet, la revitalisation des Rased est indispensable. Les personnels ont besoin du temps et des espaces pour travailler ensemble, bénéficier de groupes d’analyse de pratiques et/ou d’un dispositif de supervision. Il faut aussi accompagner l’évolution des programmes et pratiques pédagogiques vers une conception universelle des apprentissages.

Il faut rapidement constituer des équipes d’appui pour intervenir sans délai pour soutenir et aider les équipes pédagogiques à surmonter les difficultés rencontrées. Il faut aussi rapidement reprendre le dialogue social pour améliorer les conditions d’emploi et la rémunération des AESH.

La CFDT revendique toujours la création d’un corps de la fonction publique pour les AESH.

Nous demandons la réduction et le plafonnement des effectifs d’élèves en fonction du nombre d’élèves à besoins particuliers. Pour mieux réussir l’école inclusive, il faut des équipes pluriprofessionnelles complètes ayant du temps pour travailler ensemble, et pour accompagner les élèves et leur famille.

Autre priorité forte pour nos deux fédérations et les personnels que nous rencontrons : développer la mixité sociale afin de réduire les inégalités, et que le discours sur la cohésion sociale ne reste pas creux.

Depuis plusieurs années, les deux fédérations CFDT de l’Éducation prennent des positions claires en faveur de la mixité sociale et scolaire dans l’enseignement public et dans l’enseignement privé. La mixité scolaire, pourtant cruciale pour l’égalité des chances, peine à se concrétiser pleinement dans les établissements privés sous contrat. En 2023, la signature d’un protocole de mixité sociale entre le ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, et l’enseignement catholique a entériné des intentions, mais pas d’actions concrètes ou contraignantes. À ce stade, aucun bilan, aucune évaluation n’ont été partagés avec les organisations syndicales représentatives des personnels. L’indice de position sociale (IPS) montre des écarts significatifs entre établissements publics et privés, ainsi qu’entre zones rurales et urbaines. Il faut encourager une véritable mixité sociale et scolaire. Cette approche vise à créer un environnement où chaque élève, indépendamment de son origine sociale, culturelle ou géographique, peut s’épanouir pleinement. Il s’agit d’un enjeu démocratique majeur, et ce sont aussi des enjeux professionnels pour les agent·e·s.

Nous revendiquons une modulation des moyens attribués aux écoles et établissements publics comme privés en fonction de leur IPS, la différenciation des moyens accordés aux établissements publics comme privés, selon qu’ils respectent ou non la mixité sociale au sein d’une même zone géographique l’augmentation du taux d’encadrement, la rénovation des bâtiments prioritaires et l’octroi d’indemnités, afin de rendre les établissements aux indices de position sociale faibles plus attractifs pour les personnels.

C’est cohérent avec la revendication constante de la Fep-CFDT, première organisation représentative dans l’enseignement privé, de renforcer les contrôles des établissements privés sous contrat. L’État l’a enfin entendue. Des contrôles renforcés vont être réalisés. C’est important car les personnels témoignent parfois de manquements importants et en pâtissent dans l’exercice de leurs missions. En cas de manquements, des sanctions seront envisagées comme la décontractualisation d’une ou de plusieurs classes et, dans les cas extrêmes, la rupture du contrat d’association. À Pau comme ailleurs, grâce à la ténacité de nos militantes et militantes dans le cadre d’une intersyndicale qui n’a cessé d’alerter les autorités, une suspension du CE de 3 ans a été décidée. Cette sanction est pour la Fep-CFDT un signe fort envoyé aux chefs d’établissement. Le temps de l’impunité est révolu et ils doivent prendre conscience que déroger aux engagements du contrat d’association et exercer des pressions sur les personnels sont des actes condamnables.

Pour nos deux fédérations, l’éducation n’est pas un domaine réservé de tel ou tel membre de l’exécutif mais une question, des enjeux, des choix politiques qui doivent être partagés par le dialogue social et citoyen permettant de sortir des instrumentalisations politiques, des décisions qui se succèdent, s’empilent sans cohérence, épuisent et démotivent les personnels sans que jamais puisse se poser rationnellement la question de leur efficacité. C’est le sens de notre proposition d’organiser une convention citoyenne sur l’éducation.

 

 

Le dossier de presse