Mail envoyé à tous les personnels de l'Académie de Nice

Après 15 jours d’une « concertation » émaillée d’annonces et de fuites contradictoires dans les média, le ministre a finalement décidé, contre les demandes pour une fois quasi unanimes de toutes les organisations syndicales, de ne laisser aucun temps de concertation ni de préparation de cette rentrée qui en aurait eu plus que jamais besoin, autant pour tâcher d’organiser un accueil des élèves et des personnels aussi protecteur et conforme au « protocole renforcé » que possible que pour préparer un hommage correct à notre collègue Samuel Paty et construire les modalités d’une sensibilisation aux valeurs de la République, à la liberté d’expression et au principe de laïcité adaptée au public et au contexte spécifique de chaque école ou établissement.
Le motif invoqué (la sécurité et le passage en alerte attentat maximale) aurait pu justifier que le ministre nous laisse la journée de lundi pour ce travail préparatoire – il y avait largement de quoi remplir une journée – en reportant la rentrée à  mardi matin, à l’heure habituelle. Au lieu de quoi, comme à son habitude, il a préféré l’improvisation, la précipitation et l’impréparation, exprimant une nouvelle fois tout le mépris dans lequel il tient ses personnels, leur travail, leur expertise, leurs demandes et … leur désarroi.

Face à ce mépris insupportable, nous avons déposé un préavis pour soutenir les collègues qui, n’en pouvant plus, voudront se mettre en grève (voir ci-dessous, notre courrier de ce soir au recteur et Dasen). Sans pour autant condamner celles et ceux qui veulent d’abord être présents pour leurs élèves dès leur retour.

A lire aussi (enfin, si vous le souhaitez), les revendications et propositions que le Sgen-CFDT a porté et continue de porter devant le ministre :
https://www.sgen-cfdt.fr/actu/premier-degre-depot-dune-alerte-sociale-intersyndicale/
https://www.sgen-cfdt.fr/actu/rendre-aux-equipes-educatives-leur-pouvoir-dagir/
https://www.sgen-cfdt.fr/actu/reprise-proteger-davantage-les-personnels-et-les-eleves-pour-proteger-la-societe/

La deuxième vague de Covid19 et le service public d’éducation et d’enseignement supérieur


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Nice, le 31 octobre 2020

 

Le secrétaire général

à

Monsieur le Recteur de l’académie de Nice,

Messieurs les Directeurs Académique des Services de l’Education Nationale des Alpes-Maritimes et du Var.

 

Objet : Reprise du 2 novembre

 

Nous vous écrivons alors que depuis quelques jours les informations et décisions se succèdent d’heure en heure ou presque. Si nous comprenons le caractère assez inédit de la conjonction des circonstances, il n’en demeure pas moins que ces incertitudes et revirements brutaux nous placent toutes et tous dans la plus grande difficulté, entre le désarroi et la colère.

Voici, Monsieur le Recteur, Messieurs les DASEN, ce que nous voulions porter auprès de vous et de l’ensemble des personnels des services publics d’Education de notre académie.

L’exécutif a tranché : ce second confinement verra les établissements fonctionner, dans le cadre d’un protocole sanitaire dit « renforcé ».

Pour le Sgen-CFDT de l’académie de Nice, l’ouverture des établissements scolaires aux élèves est primordiale, afin de ne pas revivre les fractures et les décrochages constatés lors du premier confinement, dont les effets ne pourraient qu’être aggravés par un nouvel éloignement prolongé du milieu scolaire.

Si nous sommes favorables à une reprise de l’activité scolaire en présentiel, celle-ci ne peut avoir lieu que si les conditions en sont remplies, et tout en veillant en particulier aux personnes les plus vulnérables.

Or cette « rentrée de novembre » se présente dans des conditions catastrophiques. Les impératifs sanitaires sont percutés à la fois par le choc de l’assassinat et de l’hommage dû à notre collègue Samuel Paty, et par le passage du plan Vigipirate au niveau maximal après les effroyables évènements de Nice. Nos collègues, personnels d’encadrement inclus, sont plus qu’inquiet.es, et peinent à trouver à la fois les ressources et le soutien pour envisager cette reprise.

Nous avons déjà demandé plus de temps pour préparer le retour dans les établissements sous tous ses aspects, et nous réitérons cette demande.

L’heure n’est plus à faire des préconisations sanitaires qui seront à respecter « dans la mesure du possible ». Les masques seuls ne suffisent pas, et encore faut-il qu’ils soient fournis et conformes. L’école ne peut rester à l’écart des mesures de protection prises partout ailleurs dans la société. Il en va de la santé et de la sécurité de tous les personnels, obligation à laquelle se doit l’État employeur. Il en va de la santé et de la sécurité des publics que nous accueillons. Il en va aussi plus largement de l’efficacité du confinement imposé : quel est le sens de ces efforts individuels et collectifs si les conditions d’accueil et de travail dans les établissements scolaires rendent possible la circulation active du virus ?

Le Sgen-CFDT de l’académie de Nice porte l’exigence d’un intense travail de concertation à tous les niveaux dans la semaine qui vient, afin de définir et de mettre en œuvre des mesures réellement protectrices, qui permettent l’accueil des élèves et la continuation des missions d’enseignement dans des conditions au moins acceptables.

Le ministère lui-même a pensé des scénarios alternatifs à l’accueil des élèves en grands groupes. Pourquoi ne sont-ils pas « activés » ? Moins encore qu’en septembre le scénario d’une « rentrée normale » n’est acceptable ni responsable.

Nous demandons que toutes les instances de dialogue soient effectivement réunies à tous les niveaux : conseils d’école et conseils d’administration des EPLE, CHS des EPLE, CHS-CT départementaux et académique, etc. Pour prendre et mettre en œuvre les mesures qui s’imposent, en coopération avec les collectivités territoriales, et au regard de la situation des écoles et des établissements, y compris au regard des forces et des contraintes qui leur sont propres.

Nous parlions des personnes vulnérables, à cette heure, nous ne savons toujours pas qui est vulnérable, qui ne l’est pas, qui pourra disposer d’une ASA, qui ne pourra pas. Les collègues vulnérables (ou qui l’ont été, ou qui le seront, suivant les décrets) et les proches de personnes vulnérables sont dans le plus grand désarroi à 36h de la reprise. Ils ne savent pas. Et les personnels de direction, les directeurs et directrices d’écoles et les collègues des services académiques non plus. Quelle indigence !

Faute de mesures de protections appropriées, les personnels seront fondés à cesser le travail, en particulier passé ce délai d’une semaine de nécessaire adaptation. D’ores et déjà, nous soutiendrons les collègues qui feront valoir le droit de retrait ou décideront de faire grève si leurs conditions de travail les placent effectivement en péril. Nous déposons un préavis de grève en ce sens.

Nous ne présumons pas non plus de la réaction des personnels et des collègues qui ont vu hier soir piétiné le travail de préparation mené déjà depuis plusieurs jours autour de l’hommage à Samuel Paty.

Si nous pouvons comprendre l’impératif de sécurité avec Vigipirate Urgence Attentats, la solution la plus logique, et proposée par les organisations syndicales à Monsieur le Ministre, était de décaler la rentrée des élèves afin de permettre en toute sérénité (certes relative vu le contexte) aux collègues de préparer l’hommage dans des conditions convenables.

Par ailleurs, l’insistance de notre ministre autour de l’heure d’EMC consacrée aux valeurs de la République nous paraît « ridicule ». Ce n’est pas qu’une heure symbolique qu’il faut consacrer à l’hommage mais cette heure doit être le préambule du long travail à mener pour transmettre ces valeurs. S’il faut initier ce travail « vite fait bien fait, hop! hop ! » histoire de dire nous l’avons fait, dans un contexte qui ne s’y prête pas à bien des égards, nous allons encore passer à côté, et nous demander, plein de remords, dans quelques temps, pourquoi nous ne sommes pas passés à la vitesse supérieure en matière de travail sur la citoyenneté, l’appartenance à la Nation, le respect de l’altérité… bref, nos valeurs.

Nous le répétons, il est donc nécessaire que les équipes aient le temps de se concerter afin de se préparer et surtout, afin de permettre à tous les collègues de ne pas se retrouver seul.e.s, désoeuvré.e.s, devant leur classe lundi à 11h (ou un horaire approchant, 11h étant très souvent un horaire d’inter-cours, peu propice au recueillement et au silence).

Nous avons joint tout à l’heure Monsieur le Secrétaire Général afin de lui faire part des inquiétudes grandissantes concernant la possibilité d’accueillir dans de bonnes conditions les élèves lundi. Vous nous permettrez de vous dire que la réponse ne nous convient pas. Certes, il y a la demande de notre institution d’ouvrir coûte que coûte lundi. Mais dans quelles conditions d’impréparation !

C’est pour cela, nous le réitérons, que nous soutiendrons les collègues qui feront valoir le droit de retrait ou décideront de faire grève, quel que soit leur corps de métier.

Encore une fois, Monsieur le Recteur, Messieurs les DASEN, nous ne sommes pas prêt.es, nous le savons toutes et tous. Il faut en prendre acte et agir maintenant à la hauteur des défis qui sont les nôtres collectivement.

Nous vous prions de croire à notre attachement au service public d’éducation, dans le respect des personnels.

Camille KLEINPETER, Secrétaire académique du Sgen-CFDT Côte d’Azur