Travailler plus pour gagner moins

Le diable se cache dans les détails... examen critique d'un décret.

«Chérissez vos professeurs», a déclaré J. – M. Blanquer le 16 octobre 2021, lors de l’hommage à notre collègue Samuel Paty – oubliant dans la foulée tous les autres personnels, CPE, AED…

Quoi qu’il en soit, le ministre a de bien curieuses façons de les chérir, les professeur.es, quand on se examine la dernière escroquerie imaginée par le ministère de l’école de la confiance.

Tout récemment, le décret n° 2021-1327 du 12 octobre 2021 est en effet venu est en effet venu autoriser le versement d’HSA aux enseignants à temps partiel. Jusque là, seules des HSE pouvaient leur être versées, « lorsqu’ils effectuent exceptionnellement à leur demande, pour une période inférieure à la durée de l’année scolaire, des remplacements ». Ils pourront donc désormais toucher des HSA ?! L’idée pourrait paraître loufoque, qui en effet demanderait un temps partiel – moins d’heures – pour ensuite demander des HSA – plus d’heures ?

Sauf qu’en élargissant la définition du « maximum de service » de « maximum de service réglementaire » à « maximum de service réglementaire ou résultant de la quotité de travail à temps partiel », ce décret permettra d’imposer jusqu’à deux heures supplémentaires aux collègues qui sont à temps partiel comme aux autres, « dans l’intérêt du service ».

Bah, au moins ils s’y retrouveront financièrement, non ?

Euh … non, on a tendance à l’oublier, si dans le privé, les heures supplémentaires sont majorées de 25 % (ou d’au moins 10 % dans le cas d’un accord collectif), dans l’Éducation nationale, il n’en est rien ; le taux horaire des heures supplémentaires dépend du corps (et du grade) auquel vous appartenez, et non de votre rémunération …

La mieux payée, et contrairement à une idée répandue, est l’HSE. Elle correspond au « taux normal » de l’HSA majoré de 25 %.
Vient ensuite la première HSA, majorée elle (et elle seule) de 20 %, puis les HSA suivantes.

 

Par exemple

Ce que rapporte, en brut (hors toute indemnité ou prime), une heure de cours à un.e certifié.e de classe normale :

* Taux horaire brut HSA = (taux horaire brut 11e + taux horaire brut 1er)/2 x 9/13
Taux horaire brut 1ère HSA = taux horaire brut HSA x 1,2
Taux horaire brut HSE = taux horaire brut HSA x 1,25

On est loin, mais alors vraiment très loin des majorations de 25% du privé (!) …

Dans sa grande bonté, le ministère a mis en place un simulateur de rémunération, qui propose un calcul du salaire net.
Mais attention, ce simulateur ne calcule que la paye mensuelle des mois où ces heures sont effectuées (HSE) ou de ceux où elles sont payées (HSA : 9 mois sur 12), ce qui peut être… trompeur
En utilisant ce simulateur (hors « options », mutuelle et prélèvement à la source), voilà ce que cela donnerait en net :

Le petit mieux relatif s’explique par le fait que les heures sup ne sont pas soumises à retenue pour pension, et qu’elles sont exonérées de cotisations…

Mais donc, quand on imposera deux HSA à un collègue à temps partiel, non seulement on reviendra sur son droit au temps partiel, mais en plus, la plupart du temps, il ne s’y retrouvera même pas financièrement.

En 2017, la Cour des comptes (« Gérer les enseignants autrement » – page 100) relevait que « Sur le plan budgétaire, le coût moyen d’un emploi à temps plein hors charges est de 42 800 € pour un certifié, 34 830 € pour un contractuel, et 24 551 € pour l’équivalent en heures supplémentaires [HSA sur la base de la première heure qui est majorée] […] Une heure supplémentaire effectuée par l’ensemble des enseignants du second degré correspond à environ 26 000 emplois.»…

On comprend mieux le goût de Blanquer pour les HSA pour tous. Si l’on se fie à ces chiffres, 2 HSA – dont une seule majorée – par prof, c’est 52 000 emplois à quasi moitié prix…